Lire aussi : Charlotte de Belgique : mère de Weygand, un des plus grands militaires français ?
Un enfant est né à Bruxelles, ou plutôt, on déclare la naissance d’un enfant à l’état civil le 21 janvier 1867 « de père et de mère inconnus ». Cela n’attire pas l’attention et personne ne s’intéresse à ce petit bonhomme jusqu’au jour où il deviendra un homme important.
Le mystère Weygand : une curieuse histoire racontée par Alain Jourdan
Il est chevalier de la Légion d’honneur, général de brigade, général de division en 1918 et est nommé au poste de major général des armées alliées. Il donne lecture aux Allemands des conditions d’armistice, dans la forêt de Compiègne, dans le wagon de Rethondes. En 1923, il est général d’armée et, en 1930, chef d’état-major général. Le 11 juin 1931, en même temps que le romancier Pierre Benoit, il est élu à l’Académie française, à l’unanimité́ des votants pour succéder au maréchal Joffre au 35e fauteuil.
En 1933, il fait la couverture du célèbre Times. En 1934, est exposé à Paris, au Salon d’Automne, un buste de lui réalisé́ par Philippe Besnard. Sur sa demande, il est rappelé́ au service actif par le président Édouard Daladier en août 1939 pour diriger les forces françaises au Moyen-Orient. En mai 1940, la situation militaire en France est si compromise que le commandant suprême, le général Maurice Gamelin, jugé trop passif, est écarté. Weygand, alors en Syrie, est appelé́ le 17 mai par Paul Reynaud, pour le remplacer comme généralissime des armées françaises.
Partisan de Pétain, il aura des ennuis à la Libération mais il sera acquitté de tout. En 1951, il refuse d’être inscrit dans la proposition de loi concernant la promotion de généraux au maréchalat, son nom ayant été proposé aux côtés des généraux de Lattre et Alphonse Juin. Au moment de ses obsèques en l’église Saint-Philippe-du-Roule, le 2 février, une foule immense y afflue, conduite par les trois épouses et veuves des maréchaux Juin, Leclerc et de Lattre de Tassigny, en présence d’un grand nombre de généraux, dont Pierre Kœnig, le plus illustre chef militaire encore en vie de la France libre.
C’est dès qu’il commence à occuper le devant de la scène, qu’on s’interroge sur sa vie et ses origines et qu’on se demande comment un illustre inconnu sans nom, sans famille, belge qui plus est, peut avoir un tel parcours.
Il étudie dans les lycées les plus prestigieux, Michelet de Vanves, Louis-le-Grand et Henri IV, et passe par une importante école militaire, Saint-Cyr. En 1887, il fréquente l’École de cavalerie de Saumur. Ce parcours hors norme a de quoi susciter des interrogations bien que Weygand ne parlera que très peu de lui-même.
Les premiers chercheurs qui s’attellent à retrouver les origines de ce grand homme font quelques découvertes d’une importance toute relative. La première mention du jeune homme est une déclaration du 23 janvier 1867 à l’état civil de Bruxelles qui rend compte de la naissance d’un garçon la veille dans un appartement situé au n° 59 du boulevard de Waterloo.
L’accoucheur, le docteur français Louis Laussedat qui vit en exil dans la capitale, affirme ignorer les noms des père et mère de l’enfant à qui est attribué́ uniquement un prénom : Maxime. Par la suite, aucun acte de baptême n’est trouvé́ dans aucune paroisse du royaume. L’enfant est emmené́ peu de temps après dans le Sud de la France dans des circonstances obscures.
Il est mis sous la tutelle de David de Léon Cohen, un important négociant israélite de Marseille. L’homme est séparé́ légalement de son épouse depuis 1855 mais attend toujours le rétablissement du divorce pour épouser la fille d’un jardinier français ayant résidé́ à Saint-Josse-ten-Noode, Thérèse-Joséphine Denimal. Il épousera sa belle en 1884. C’est elle qui donne à Maxime le patronyme légèrement transformé de « de Nimal », ce qui fait plus « chic ». Sous ce nom, par décision ministérielle du 19 octobre 1885, à 18 ans et demi, il entre à l’École militaire de Saint-Cyr à titre étranger.
C’est lors de sa majorité́ légale et grâce à la reconnaissance de François-Joseph Weygand, un comptable originaire d’Arras au service dudit Cohen, qu’il devient Français le 18 octobre 1888. C’est donc l’acte de pure complaisance d’un employé́ de l’entreprise de son tuteur qui permet à Maxime de Nimal Weygand d’être nommé, en décembre 1888, sous-lieutenant dans la cavalerie française et, en fin de compte, d’accéder aux hautes charges qui seront les siennes plus tard.
Les rapports entre monsieur Weygand et Maxime sont inexistants. Ce dernier écrit juste une lettre à celui qui l’a reconnu pour lui exprimer sa gratitude et le prévenir qu’il fera tout pour faire honneur au nom qu’il porte désormais.
Chez nous, une partie de la cour et la noblesse est persuadée que Maxime est le fruit d’un amour clandestin et passager de notre « bon » Léopold. En effet, en plus des aides venues du palais, un détail va dans ce sens. L’appartement de la chaussée de Waterloo où est né Maxime, aurait été choisi, sur ordre de Léopold II, par un de ses officiers d’ordonnance, le baron de Wykerslooth, en vue de l’accouchement d’une « belle » polonaise.
De nombreux autres bruits courent, ce qui est normal dans l’univers clos de la cour et de la noblesse où les secrets ne font pas long feu.
La reine Élisabeth affirme elle-même que son mari, le roi Albert, a toujours pensé que Weygand était le fils de Léopold II et certains témoins rapportent qu’Albert Ier parle de Weygand comme d’un cousin. Le général Wanty, ancien professeur à l’École de Guerre, écrit que dans l’armée, tout le monde pense que Léopold II est bien le père de Weygand. Le colonel Stevelinck rapporte qu’un très vieil officier, un de ses amis très intimes, officier d’ordonnance du roi Léopold II, lui aurait raconté un soir de confidences qu’il avait à plusieurs reprises accompagné le roi à Saint-Cyr, voir un jeune élève avec lequel le souverain allait se promener sans l’officier d’ordonnance.
Plusieurs candidates au titre de mère
On a tout avancé et pas n’importe quoi, mais n’importe qui. Principe de base, la mère est une princesse de sang royal ou une dame de la cour de haut lignage.
Première théorie : une princesse hongroise que le mari, devant l’affront, a dû menacer d’un procès en désaveu de paternité́ si tout n’était pas mis en œuvre pour cacher la naissance du petit bâtard. Il l’aurait même renvoyée en Hongrie pour y accoucher et elle ne serait revenue en Belgique, qu’assurée d’être aidée par le roi.
Cette grande dame aurait été la princesse de Béthune Hesdigneul, une Magyare, qui habite avec son mari, rue du grand Cerf.
Deuxième théorie, soutenue par la reine Élisabeth : la princesse Mestcherski, une dame issue d’une famille russe qui avait donné à la Russie beaucoup de grands hommes. Cette princesse est l’épouse d’un diplomate de même nationalité́ qui avait vécu un certain temps en exil à Paris.
D’autres affirment avoir entendu Élisabeth parler de la comtesse Kossakowska, une noble d’origine polonaise.
Mais ce qui joue en défaveur de toutes ces thèses, c’est que Léopold ne fait pas d’habitude grand mystère de ses bâtards, la plupart d’entre eux ne sont pas reconnus à l’état civil mais bien de manière « financière ». De plus, si Léopold a rendu visite à son fils à Saint-Cyr, pourquoi Weygand n’en a-t-il jamais parlé, même à ses enfants ? Si Elisabeth connaît le fin mot de l’histoire, pourquoi a-t-elle demandé en 1930 au baron Gapelle de faire une enquête au sujet de l’énigme ? De la même manière, pourquoi, selon les témoins qui rapportent ses paroles, cite-t-elle des noms différents ? On dit qu’Albert en parle comme d’un cousin, mais ce sont des paroles rapportées et puis, même si elles sont vraies, il pouvait simplement faire de l’humour en jouant avec une rumeur.
Au final, la thèse de Léopold II père de Weygand tient peu la route, même si, et nous en reparlerons, le roi n’est certainement pas étranger à toute cette histoire.
Charlotte de Belgique : mère de Weygand, un des plus grands militaires français ?