Le compositeur Giacomo Puccini, venu à Bruxelles pour y jouer … et y mourir

Manon Lescaut, La Bohème, Tosca, Madame Butterfly, Turandot… Tous sont devenus des classiques au rayonnement mondial, aujourd’hui parmi les plus connus de l’opéra ! Tous ces airs, dont chacun est capable d’en fredonner quelques notes, illustrent une maîtrise de l’orchestration exceptionnelle, d’incroyables innovations harmoniques et un langage théâtral profondément original. Ils sont l’œuvre d’un des derniers génies musicaux de notre temps : Puccini.

Giacomo Puccini – 08 avril 1908

Giacomo Antonio Domenico Michele Secondo Maria Puccinina est né le 22 décembre 1858 à Lucques, dans le grand-duché de Toscane. Il est issu d’une famille de mélomanes aujourd’hui éteinte, où la musique relevait de la génétique. En effet, son arrière-arrière-grand-père (1712-1781), également prénommé Giacomo, était un organiste et compositeur de musique sacrée reconnu. Par la suite, ils sont tous musiciens d’église avec trente-deux œuvres originales à leur actif. Ainsi, le compositeur de la Bohème représente la cinquième génération de musiciens ! La famille est moyennement aisée et Giacomo poursuit, bien entendu, les mêmes études musicales que ses illustres aïeux. Il est lui-même un enfant prodige. À cinq ans, il joue de l’orgue et devient très vite organiste de l’église du lieu. Il étudie ensuite au conservatoire de Milan et écrit son premier opéra à vingt ans. Ce dernier est joué pour la première fois avec Le Villi, en 1884, au Teatro Dal Verme de Milan. Il attire alors l’attention de l’éditeur Ricordi qui lui commandera un nouvel opéra, Edgar. C’est à cette époque que Puccini rencontre Elvira Gemignani, une jeune femme de 24 ans, qui deviendra son épouse et lui donnera un fils, Tonio. Malheureusement, l’affaire commence mal car Elvira est mariée… ce qui n’empêche pas Giacomo de tenter sa chance ! Le mari, peu soupçonneux et souvent absent, ne se méfie pas du jeune homme qui accepte « avec joie », on s’en doute, de donner des cours de piano à l’épouse quand elle le lui demande. Les deux « tourtereaux » dissimulent mal leur liaison, de sorte que toute la ville de Lucques est bientôt au courant du scandale, excepté, bien entendu, le mari trompé.

Le climat devenant cependant lourd, Puccini achète une villa à Torre del Lago, à 25 kilomètres de Lucques, où il résidera avec Elvira la plus grande partie de sa vie. La critique ne manquera pas de remarquer avec beaucoup d’ironie qu’Edgar, son deuxième opéra présente beaucoup de points communs avec cette aventure amoureuse digne d’un vaudeville. Avec son troisième opéra, Manon Lescaut, Puccini atteint enfin le succès. En 1896, il compose La Bohème qui, bien que considéré depuis comme l’un des meilleurs opéras romantiques de tous les temps, ne parvient pas à séduire son public, cela malgré la direction irréprochable du célèbre Arturo Toscanini. Contrairement à ce qu’on pourrait croire aujourd’hui, alors que ces œuvres sont devenues des classiques, La Bohême, au même titre que la Carmen de Bizet, est d’abord victime des critiques. En effet, Puccini rencontre un rival de talent en la personne du chef d’orchestre napolitain, Leoncavallo. Leurs succès respectifs les poussent à la compétition. La Bohème du premier et La Bohème du second sont, par exemple, créées à quelques mois d’intervalle et toutes deux montées à Paris. Les représentations suivantes, par contre, assurent au compositeur un succès mondial.

Portrait de Puccini par le peintre italien Aleardo Villa

En 1900, lors de la sortie de la Tosca, le contraste avec La Bohème entraîne un cinglant revers pour Puccini. Heureusement, lorsque Toscanini reprend l’ouvrage, le succès est au rendez-vous. En 1903, il est blessé à la suite d’un accident de voiture qui le rendra boîteux. Cela ne l’empêche pourtant pas de travailler et, en 1904, il crée Madame Butterfly. Malheureusement, cet opéra est encore moins bien accueilli que la Tosca : la première représentation est un échec monumental, n’étant pour certains qu’une pâle copie de La Bohème. L’histoire ne dit pas si la première a été sabotée à la demande d’un rival ou par une claque soutenant tout simplement un autre compositeur, mais le pire moment est sans doute celui où des cris d’oiseaux simulés sur scène donnent aux spectateurs l’idée d’imiter une basse-cour au grand complet. Certains, effarés, vont jusqu’à exiger le retrait de l’opéra de l’affiche. Cela n’empêche pourtant pas Madame Butterfly de devenir un des grands succès de Puccini. L’opéra est présenté en 1909 chez nous, à la Monnaie, en présence de la princesse Clémentine. L’auteur a assisté aux répétitions à Bruxelles, en gardant en mémoire l’accueil pénible de son opéra à Milan : il a désormais réparti le livret en trois actes, alors qu’il n’en comportait que deux au départ.

Pour l’anecdote, la vraie madame Butterfly, de son vrai nom madame Gato, est une aristocrate japonaise dont l’amour pour un officier de la marine des États-Unis avait défrayé la chronique. L’amant avait été tué au cours des hostilités hispano-américaines, et la jeune femme s’était alors enfermée dans une solitude éternelle. Si elle n’a jamais entendu l’œuvre de Puccini, un de ses amis l’emmène un jour voir le film, tiré de l’opéra. La vraie madame Butterfly regarde alors patiemment la fosse et, en sortant, hausse les épaules et dit simplement : « Ce n’est pas du tout ainsi que les choses se sont passées ». Et elle retourne à ses souvenirs…

Puccini meurt d’une crise cardiaque à Bruxelles

Funérailles de Giacomo Puccini à Bruxelles en 1924

En 1910, Puccini compose La fanciulla del West, premier opéra créé au Metropolitan Opera de New York, puis Sogno D’or en 1913, Pezzo per pianoforte en 1916, Morire en 1917, Il trittico en 1918 et Inno a Roma en 1919. Toute sa vie, Puccini ne cesse de produire. Il choisit avec soin les livrets, n’hésitant pas à abandonner ceux qui ne le satisfont pas, en dépit du travail qu’il leur avait consacré. C’est ainsi que restèrent sans suite, entre autres, une Marie-Antoinette, un Tartarin de Tarascon, La Femme et le Pantin, d’après l’œuvre de Pierre Louys, et La Faute de l’abbé Mouret, inspiré du livre de Zola. Son dernier opéra, Turandot, écrit en 1924, reste inachevé car Puccini est miné par un cancer de la gorge. À cette époque, seules l’Allemagne et la Belgique proposent un traitement révolutionnaire à base de radium. Puccini, qui connaît bien Bruxelles pour y être venu plusieurs fois, lors des premières de ses œuvres ou pour y diriger des répétitions, écoute l’avis de ses médecins, qui l’envoient dans une clinique bruxelloise, à présent disparue, alors au numéro 1 de l’avenue de la Couronne. La base du traitement est composée d’aiguilles de radium qu’on place à l’endroit atteint. Le vendredi 28 novembre 1924, alors qu’on vient juste de les lui retirer, une crise cardiaque le terrasse. Il lutte pendant dix-huit heures, son fils Tonio et sa fille Fosca accourent à son chevet et le nonce apostolique ainsi que l’ambassadeur d’Italie passent une partie de la nuit auprès de lui. II s’éteint le samedi 29 novembre, à 11 heures et demie du matin.

Le chef du gouvernement, Benito Mussolini, annonce son décès le lendemain à la Chambre italienne. Les fleurs ne cessent d’affluer dans la chambre où repose le compositeur, en veston, les mains gantées, le drapeau italien étendu sur ses pieds. Le lundi 1er décembre, un service funèbre est célébré à l’église royale Sainte-Marie de Schaerbeek en présence du corps diplomatique, du représentant du roi Albert, des représentants belges du monde de la musique. Laure Berge, titulaire du rôle de la Tosca à la Monnaie, chante l’Ave Maria et le Paris Angelicus de Gounod. Monseigneur Micara donne l’absoute et la dépouille est conduite jusqu’à la gare du Nord où attend un train qui l’emmène en Italie. Les funérailles solennelles ont lieu dans la cathédrale de Milan, sous la présidence de l’archevêque Tosi, et l’inhumation provisoire dans le caveau des Toscanini, jusqu’à ce que soit prête la sépulture définitive, à Torre del Lago, dans la villa qu’il aimait.

294 rue royale a Saint Josse ou vécu Puccini lors d’un de ses séjours a Bruxelles
1 avenue de la Couronne à Ixelles, où est mort Puccini
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