Le bolide électrique de Camille Jenatzy

LE BOLIDE ÉLECTRIQUE DE CAMILLE JENATZY

La voiture électrique est loin d’être une innovation ou une utopie du XXIe siècle. En 1900, sur 4 192 véhicules automobiles fabriqués aux États-Unis, près d’un tiers de ceux-ci circulaient déjà à l’électricité. Et en 1899, sur une route des Yvelines, la barre des 100 km/heure fut franchie pour la toute première fois par une voiture de ce type, la « Jamais contente ». Une invention du Belge Camille Jenatzy.

S’il est né à Schaerbeek le 4 novembre 1868, ses racines ancestrales sont polonaises. Ses parents ont quitté les bords de la Vistule pour s’installer dans la très riche Belgique afin d’y exploiter une fabrique d’objets en caoutchouc. Grâce à l’essor de l’automobile, ils vont d’ailleurs rapidement faire fortune dans la production d’un produit tout neuf, le pneu. Camille Jenatzy est bricoleur. Très jeune, il imagine déjà de nouveaux types de bicyclettes. Tout naturellement, il entame des études d’ingénieur, se spécialisant toutefois dans l’électricité, autre innovation du moment. La traction électrique des automobiles l’intéresse au plus haut point. Diplôme en main, il se rend à Paris pour rejoindre la Compagnie Internationale des Transports Automobiles de Paris. Il participe ainsi à la fabrication de ce que l’on appelle, à l’époque, les fiacres électriques. Le marché est porteur. Il fait déjà fureur aux États-Unis où, en 1900, près d’un tiers de la production automobile fonctionne à l’électricité.

Mais Camille Jenatzy ressent un énorme besoin de reconnaissance. Il crée donc sa propre usine, la Compagnie Générale Belge des Transports Automobiles Jenatzy, et se lance avec enthousiasme dans la fabrication de fiacres et de camionnettes électriques. Son concurrent immédiat est un certain Charles Jeantaud, un carrossier parisien qui assure sa publicité en tentant de battre tous les records de vitesse possibles. Il a pour pilote le comte Gaston de Chasseloup-Laubat qui se targue d’avoir réalisé, avec la « Duc » de Jeantaud, le kilomètre le plus rapide de tous les temps : un kilomètre en 57 secondes, soit une vitesse moyenne de 63,158 km/heure.

Camille Jenatzy aime les défis. Avec l’aide du carrossier Rothschild, qui n’a rien à voir avec le banquier homonyme. Il se met à construire un prototype en forme d’obus particulièrement aérodynamique. Pour ce faire, il utilise du partinium, un alliage d’aluminium, de tungstène et de magnésium laminé. Au volant de la « Jamais contente », dont le nom s’inspire du caractère de son épouse, il va, dès le premier essai officiel, battre le record de son rival, établi à 66,66 km/heure. Quatre mois durant, les deux hommes alterneront les records. Jenatzy franchit pour la première fois, le 29 avril 1899, sur une route d’Achères, dans

les Yvelines, la barre symbolique des 100 km/heure. De quoi décourager définitivement l’adversaire. Il faudra d’ailleurs plus de trois ans avant de voir ses spectaculaires 105,88 km/heure battus par la voiture… à vapeur de Léon Serpolet.

Auréolé par son record, Camille Jenatzy devient une légende vivante, tous les médias de l’époque lui consacrent leur une. Sa fougue et de sa chevelure rousse lui valent le surnom de « Diable rouge ». Il entreprend même une carrière de pilote d’essai, testant les véhicules Mercédès et remportant, sous ces couleurs, la prestigieuse coupe Gordon Bennett organisée, en 1903, en Irlande. L’année suivante, il clôture en deuxième position l’épreuve organisée dans les Ardennes allemandes. Et en 1909 à Ostende, il atteint, encore au volant d’une Mercédès, la vitesse inimaginable pour l’époque de 200 km/heure. Jenatzy reprend aussi l’entreprise familiale de caoutchouc, où il produit les pneus nécessaires à tous ses records et profite, bien évidemment, du développement de l’automobile pour conclure de belles affaires. Pas moins de 1.000 ouvriers travaillaient à ses côtés.

L’homme aurait pu, longtemps encore, marquer l’Histoire de l’automobile s’il n’avait trouvé la mort inopinément, dans son domaine de chasse d’Habay-la-Neuve, dans l’ Ardenne belge, victime d’un coup de feu tiré par mégarde par un de ses amis. Il avait à peine 45 ans.

Sa « Jamais contente », elle, lui a survécu. Elle est exhibée au Musée de la voiture de Compiègne. De jeunes ingénieurs en ont même réalisé une réplique exacte en 1993. Sans battre, toutefois, de nouveaux records !

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