Clémentine de Saxe Cobourg Gotha

Clémentine de Saxe Cobourg Gotha (1872-1958)

Troisième fille de Léopold II et de Marie-Henriette, elle épouse en 1910 Victor, prince Napoléon (1862-1926), chef de la Maison impériale française.

Une fille, encore une fille !

Quand elle naît, le 30 juillet 1872, après la mort, en 1869, du seul prince héritier Léopold, son père ne veut même pas la voir. C’est un garçon que les parents voulaient, pas une fille ! Sa mère ne lui accorde guère plus d’intérêt. « Je ne puis dire combien j’envie les enfants qui savent ce qu’est l’amour d’une mère », dira plus tard Clémentine. Elle ne pourra compter que sur ses deux sœurs aînées, Louise et Stéphanie, pour s’occuper d’elle, jusqu’à leur mariage. Plus tard, le roi se rapproche d’elle et la prend en affection, au point qu’il consent à lui faire tenir des fonctions officielles en lieu et place de Marie-Henriette, qui a délaissé son métier de reine. Comme elle est en outre jolie, elle devient très populaire dans le cœur des Belges qui l’appellent « la petite reine ». La vraie reine en conçoit de la jalousie et méprise d’autant plus son enfant. « La pauvre femme ne peut se résoudre à vieillir et à ne plus avoir de succès », déplore la princesse. Quelques heures avant de mourir, en septembre 1902, Marie-Henriette refuse de voir sa fille venue lui rendre visite et réclame plutôt ses chiens ! Clémentine avait pourtant été autrefois la fille la plus proche de sa mère, avec qui elle avait partagé l’amour des chevaux, de la musique et de la coquette demeure de Spa. Elle sera aussi la seule à suivre le corbillard. Elle ne peut même plus compter sur l’affection de son père, dont désormais Blanche Delacroix monopolise le cœur.

Passion consanguine

Dans les années 1890, puisque le roi n’a pas d’héritier mâle, il doit se contenter de préparer son neveu Baudouin, fils de son frère Philippe, comte de Flandre, à lui succéder. Au palais, le prince ne peut éviter de croiser sa cousine Clémentine, de quatre ans sa cadette, qui s’en éprend. « Chaque fois que je le vois, je l’aime un peu plus, il est si joli », écrit-elle à sa sœur. Bien des partis s’offrent pourtant à elle, à l’âge de 17 ans, mais elle ne pense qu’à lui. Si le roi pense à une alliance prestigieuse à l’étranger, il ne rejette pas pour autant l’union voulue par sa fille, parce que, à défaut de fils héritier, sa fille deviendrait reine des Belges. Mais sa belle famille voit d’un mauvais œil cette éventualité, déjà évoquée par la presse. D’ailleurs le prince n’éprouve pas suffisamment de passion pour sa cousine et ne songe même pas à se marier si tôt. Le sort décide autrement de son destin : il meurt le 23 janvier 1891, frappé par la terrible épidémie de grippe qui décime Bruxelles. Inconsolable, Clémentine confie à sa sœur Stéphanie : « Comment t’exprimer la tristesse que mon cœur a ressentie et qui m’a saisie en pensant que plus jamais je n’entendrais cette voix si chère à mon cœur, que je ne verrais plus son doux sourire séduisant, non c’est impossible… J’ai cru que je devenais folle. Je souffre cruellement, bien plus que je ne puis le dire. Penser que je ne le verrai plus jamais, celui que j’ai tant aimé, qu’il est mort, je ne puis le croire encore quand il y a quelques jours à peine je le taquinais encore et riais avec lui. » Quant à la presse, elle va jusqu’à imaginer un second Mayerling3. Un journaliste écrit : « On prétend que la mort imprévue du prince est due au suicide : Baudouin était éperdument amoureux de sa cousine, la princesse Clémentine, fille du Roi, et celui-ci se serait opposé au mariage des deux jeunes gens. » Clémentine comprend mieux la souffrance de Stéphanie lorsqu’elle perd son mari aimé et ne regrette qu’une chose : ne pas être née dans une famille modeste !

Une mère heureuse

Quelques années plus tard, le malheur de Clémentine s’apaise quand elle tombe amoureuse de Victor Napoléon, petit neveu de Napoléon Bonaparte, qui vit en exil à Bruxelles. Mais le roi n’en veut pas, car il exècre cette famille et tient à préserver de bonnes relations avec la République française. En outre, Victor a vécu en union libre avec une demi-mondaine qui lui a déjà donné quatre enfants. Les deux tourtereaux patienteront donc. La mort du roi, en 1909, rend l’union possible, bien que tardive : Clémentine a 38 ans et Victor dix de plus. La vie en couple épanouit Clémentine, qui affirme : « Mon cher mari est bon, gentil, adorable, amoureux, intelligent, fin connaisseur des gens et des choses. » Il lui donnera deux enfants, Marie-Clotilde en 1912 et Louis en 1914. Cette année-là, au début de la Première Guerre mondiale, elle se réfugie en Angleterre où elle retrouve ses petits neveux, Léopold, Charles et Marie-José. Elle ne reste pas inactive et fonde des hôpitaux. Quand elle revient au pays, elle s’installe au château de Ronchine près de Namur. En 1926, son mari meurt d’une attaque d’apoplexie. Marie-Clotilde, hospitalisée durant des semaines, lui occasionnera bien des soucis. Mais la conduite héroïque de Louis durant la Seconde Guerre mondiale fera la fierté de sa mère. C’est à la suite de ses exploits qu’il obtiendra la Légion d’honneur et que la France abrogera la loi d’exil frappant les descendants de Napoléon Ier.

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