Stéphanie (1864-1945), presqu'impératrice
Deuxième fille de Léopold II, elle épouse en 1881 Rodolphe de Habsbourg-Lorraine, archiduc héritier d’Autriche-Hongrie, qui se suicide en 1889. C’est ainsi que Stéphanie a manqué de peu le titre d’impératrice. En deuxième noce, en 1900, elle épouse un modeste hobereau hongrois, Elemer, comte Lonyay de Nagy-Lonya.
Enfance bien triste
Quand, en 1871, une épidémie de typhus ravage Bruxelles, la petite Stéphanie, âgée de 7 ans, échappe à la mort de justesse. Mais elle retiendra au moins de cet épisode morbide un aspect positif : c’est la première fois, au cours d’une nuit qui s’avérait fatidique, qu’elle avait vu ses deux parents l’entourer, chagrinés pour sa maladie. « D’autres enfants se souviennent avec plaisir des jours heureux passés au foyer paternel – écrira-t-elle plus tard –, après avoir survécu à cette nuit que l’on croyait pourtant être la dernière. Nous, hélas, nous ne pouvons que songer avec amertume aux heures sombres vécues sous le toit familial. »
Léopold II se montrait très distant avec ses enfants, et plus encore avec ses filles qu’avec l’héritier Léopold. Ils ne le rencontrent qu’aux repas avant lesquels ils doivent lui baiser la main. Ils ne peuvent lui adresser la parole que s’il la leur donne, fait rarissime. « Nul mot aimable, nul signe d’attention ne tomba jamais de ses lèvres », écrira Stéphanie. Il leur est en outre interdit de manger les desserts qui leur sourient sur la table car, pour le roi, il faut apprendre aux enfants à se priver. « Quand, enfin, on nous congédiait – se souvient Stéphanie –, nous nous échappions à travers les corridors, les escaliers, heureuses de fuir pour quelques heures la gêne que nous causait la présence de nos parents. »
Après la mort de son petit Léopold, Marie-Henriette se montra particulièrement froide avec ses filles. Stéphanie, qui n’a alors que 4 ans, aimerait voir de temps en temps sa maman. Mais elle peut seulement assister de loin à sa toilette. Si elle en demande plus, elle est punie…
Mariage de raison
Alors que Stéphanie n’a que 16 ans, ses parents lui annoncent : « Ta mère et moi, nous prononçons en faveur de ton mariage avec Rodolphe de Habsbourg. Nous t’avons choisie pour être impératrice d’Autriche et reine de Hongrie. » Stéphanie n’a pas le choix. « Je connaissais trop bien l’inflexible volonté de mon père, écrit-elle, pour me hasarder à faire aucune objection… » À Vienne, la Cour se réjouit de la voir. Quand elle arrive, elle est examinée sans discrétion et elle déçoit. On la perçoit comme une « grosse gamine » balourde et peu intelligente. Sa future belle-mère, l’impératrice Elisabeth, surnommée Sissi, osera dire : « Quel vilain chameau ! » Mais le mariage, en 1881, est un événement et les parents de la mariée sont aux anges. « Dans leurs yeux brillaient le bonheur et la foi ; ils me souriaient », écrit-elle. Mais Stéphanie, âgée de 17 ans, ne se sent pas à l’aise avec ce mari dont elle ne connaît rien, dans une Cour guindée qu’elle déteste. Les premières années, tout se passe bien avec Rodolphe, qui l’appelle dans son courrier « Très cher ange », signe « Ton coco qui t’aime » et lui donne une fille, Elizabeth-Marie (dite Erzie, diminutif hongrois) en 1883. Mais bien vite, il ne pense plus qu’à la chasse et aux femmes. Trois ans plus tard, il contracte une maladie vénérienne qu’il passe à son épouse et qui la rend stérile. Rodolphe ne lui pardonne pas de le laisser sans héritier. Sa déception se doublant d’une mésentente totale avec son père, l’empereur François-Joseph, il noie son chagrin dans l’alcool et les drogues. En 1889, il est retrouvé mort avec sa jeune maîtresse Marie Vetsera dans le pavillon de chasse de Mayerling. Stéphanie assume son veuvage une dizaine d’années à la Cour austère des Habsbourg, puis se remarie avec le comte hongrois Elemer de Lonyay. Apprenant par la presse la nouvelle de cette union sans prestige, qui faisait perdre à sa fille ses titres impériaux, Léopold II, furieux, lui interdit de remettre les pieds au palais de Bruxelles, la prive de son titre d’Altesse Royale et la déshérite. La rupture est totale.
Quand Marie-Henriette meurt à Spa, Stéphanie accourt. Lorsque le roi arrive à son tour et apprend que sa fille est dans la chambre mortuaire, il refuse d’entrer et de la rencontrer. Alors que Stéphanie espérait se réconcilier avec son père, il lui donne l’ordre de vider les lieux. Ce comportement choque beaucoup de monde en Belgique. Même le roi d’Angleterre Edouard VII n’hésite pas à lui en faire le reproche.
Avant sa sœur Louise, Stéphanie déposera plainte pour récupérer sa part d’héritage, en vain.