Le général Leman « L'homme de Liège »
Bien avant la Grande Guerre, Gérard, Mathieu, Joseph, Georges Leman, né en 1851 à Liège, effectue un parcours militaire des plus impressionnants. Outre le fait qu’il est un mathématicien de premier ordre, il est Directeur des Études à l’École Royale Militaire dont il devient le Commandant. Il est aussi le responsable de l’éducation militaire du futur roi Albert Ier. En 1912, il est nommé lieutenant-général et, en 1913, membre du Conseil Supérieur de la Défense nationale.
Il pense alors ne pas pouvoir aller beaucoup plus loin, mais le 31 janvier 1913, il est nommé Commandant de la Troisième Division d’Armée et à ce titre responsable de la place forte de Liège.
Le gouvernement l’ayant informé de la précarité de la situation internationale et des énormes nuages noirs qui s’amoncellent au-dessus de la Belgique, il prend le taureau par les cornes et se lance avec dynamisme dans le renforcement des fortifications déjà existantes. Pour ce faire, il n’utilise pas moins de 18000 ouvriers, ce qui fait dire à un ministre que Leman est en porte à faux par rapport à la neutralité de la Belgique définie dans le traité des XXIV articles.
Leman rétorque que s’il y avait la guerre, le pays le remercierait et que, si ce n’était pas le cas, on pourrait toujours lui reprendre ses étoiles.
Bien lui en a pris, les Prussiens sont à nos portes. Dans la soirée du 3 août 1914, Leman ordonne la destruction de toutes les voies d’accès menant à Liège. Le 4 août 1914, à huit heures du matin, les troupes allemandes franchissent la frontière. Les premiers contacts avec l’ennemi s’effectuent du côté de Visé. Le 5 août, la Deutsches Heer avec le général Otto von Emmich à sa tête fait son apparition devant Liège.
Dans la nuit du 5 au 6 août, la bataille de Liège commence. L’ennemi lance six brigades à l’assaut des intervalles. Cinq sont repoussées après de violents combats. Seule la 14e brigade avec à sa tête le colonel Lüdendorf réussit à passer, mais se trouve bientôt dans une situation des plus inconfortables. À 4h30, une compagnie allemande qui a réussi à s’infiltrer entre les lignes pénètre dans la ville pour attaquer le Quartier Général belge. L’attaque est repoussée, mais le général Leman transfère ce qui reste de son état-major au Fort de Loncin.
Malheureusement, une grande partie des troupes qui défendent les intervalles ne reçoit plus d’ordres et commence à battre en retraite. Informé de la situation, le général Leman donne l’ordre à la 3e division et aux renforts qui sont arrivés de rallier l’armée de campagne qui a pris position sur la Gette. Leman, avec deux officiers, reste au fort de Loncin afin de maintenir le contact avec les autres points fortifiés et de veiller à entretenir le moral des défenseurs.
Les Allemands pataugent. Impossible de venir à bout des forts. Il leur faut attendre l’arrivée de l’artillerie lourde avec notamment la Grosse Bertha et de Zeppelins pour essayer de conclure. 14 août 1914, 16h15: les obus commencent à pleuvoir. 17h20: un projectile de 420 mm atteint le fort de Loncin, perce le béton et atteint la réserve de munitions. Le fort explose. La plupart de ses défenseurs sont ensevelis. Le 15 août, après un bombardement intensif qui aura duré 24 h, le général Leman, pra- tiquement inconscient, est fait prisonnier. Le général insistera beaucoup sur l’état dans lequel il se trouvait lors de sa capture.
Le 16 août, il réussit à transmettre une lettre au roi Albert. Chose extrêmement rare, le général Leman, prisonnier, peut garder son épée, ce qui est une grande marque de respect. On le conduit, pour commencer, à la forteresse de Magdebourg où on doit l’amputer d’un orteil, mais la cicatrisation sera lente. Ensuite, à partir du 7 avril 1915, il est transféré à Blankenburg-im-Mark. Son état de santé est tout sauf brillant. Fin 1917, le Roi l’autorise à accepter sa libération que les Allemands lui proposent, et cela sans condition.
Le 19 décembre 1917, le général transite par Bâle puis arrive à Paris le 1er février 1918. Il y reçoit un accueil triomphal. Il part ensuite s’installer près du Havre pour s’y refaire un semblant de santé. En novembre 1918, il rentre à Liège aux côtés du Roi qui, un an plus tard, le 15 novembre 1919, lui octroiera le titre de comte.
Leman s’attelle à la rédaction d’un rapport sur sa défense de Liège en août 1914. Il vient à peine de terminer ce mémoire qu’il s’éteint, dans sa ville natale le 17 octobre 1920, victime d’une pneumonie. Le gouvernement belge décrète l’organisation d’obsèques nationales. Elles commencent le 21 octobre 1920 par un hommage, corps présent, au Palais de la Nation à Bruxelles avant l’inhumation civile, selon les désirs du défunt, au cimetière d’Ixelles où il repose auprès de ses parents.