Édouard Van Beneden, le pionnier de la génétique
Si Charles Darwin a, sans conteste, contribué à une meilleure connaissance de l’origine des espèces, un embryologiste belge, Edouard Van Beneden a, tout autant que le précité, joué un rôle-clé dans le domaine de la science de l’hérédité et de la génétique. Il a tout simplement découvert la méiose, à savoir la réduction chromatique des cellules reproductrices.
Lorsqu’il naît à Louvain, le 5 mars 1846, Édouard Van Beneden a de qui tenir. Son père, Pierre-Joseph Van Beneden est un zoologiste réputé. Professeur à l’Université Catholique de Louvain, académicien, il a fondé à Ostende le premier laboratoire et le premier aquarium destinés à étudier la biologie marine. Il s’est aussi intéressé aux parasites dans le monde animal et aux vers plats. Fréquentant, dès son plus jeune âge, les laboratoires de son père, notre homme fait montre d’un intérêt réel pour les sciences naturelles. La publication, en 1859, du livre de Darwin sur l’origine des espèces provoque en lui une indomptable envie d’aller plus loin dans ce type de recherche.
Il n’a que vingt-deux ans lorsque, le 16 décembre 1868, en guise de mémoire de fin d’études, il ose présenter un travail que d’autres auraient mis des dizaines d’années à rédiger. Son titre : « Faire connaître la composition anatomique de l’œuf dans les différentes classes du règne animal, son mode de développement et la signification des diverses parties qui la constituent ». Van Beneden y démontre, exemples à l’appui, que, dans toutes les espèces, les œufs ne sont que des cellules et, comme telles, comportent un noyau et un corps protoplasmique. La variété qui distingue les divers œufs les uns des autres ne porte que sur des caractères secondaires, comme l’abondance de matières nutritives ou la complication d’enveloppes surajoutées. Et d’affirmer de la sorte que tout être débute par une cellule unique et son développement consiste en une multiplication de cette cellule primitive.
Son exposé fait sensation. Il y reçoit évidemment la plus belle des cotes ; peut se permettre un court séjour à l’étranger avant de rejoindre l’Université de Liège, dès 1870, où une chaire de zoologie et d’anatomie comparée lui est proposée. Deux ans plus tard, il rejoint déjà son père parmi l’élite scientifique du pays, rassemblée au sein de l’Académie royale de Belgique.
Édouard Van Beneden a, il est vrai, entre-temps, poursuivi ses recherches. Analysant la cellule reproductive d’un ver parasite de l’intestin du cheval, l’Ascaris megalocephala, il va se rendre compte que dans le noyau de toute cellule apparaissent au moment de la division, en nombre déterminé et constant, des éléments qu’on dénommera plus tard chromosomes. Mais aussi qu’au moment de la formation de la cellule-œuf se produisent des phénomènes particuliers qui ont pour résultat la formation de cellules dont le noyau ne renferme plus que la moitié du nombre total de chromosomes. C’est ce qu’il appelle la méiose, le phénomène de maturation ou réduction chromatique. L’œuf est donc une cellule qui ne renferme en réalité qu’un demi-noyau que Van Beneden va dénommer pronucleus femelle, l’autre moitié devant être apportée par le spermatozoïde qui lui aussi ne renferme qu’un demi-noyau, appelé pronucleus mâle. Toujours selon Van Beneden, leur réunion constitue le noyau normal, à quatre chromosomes chez l’ascaris, de l’œuf fécondé, œuf dont la segmentation produira l’embryon du futur animal.
Étudiant ensuite cette segmentation, Édouard Van Beneden constata qu’au moment de se diviser, les quatre chromosomes du nouveau noyau se fendent dans toute leur longueur en deux moitiés qui se séparent, et que le noyau des cellules filles est formé chacun par les moitiés des deux chromosomes maternels provenant de l’ovule, et par celles des deux chromosomes paternels apportés par le spermatozoïde. Ce qu’il appelle la mitose.
Il va alors découvrir que le même phénomène se reproduit à chaque division, les cellules gardant cette même composition jusqu’au moment où, dans l’adulte, se produiront à nouveau des cellules sexuelles n’ayant plus qu’un demi-noyau, le cycle énoncé précédemment se reproduisant. Il avait tout simplement découvert le mécanisme de l’hérédité sur lequel repose toute la génétique moderne.
Dans son laboratoire liégeois, devenu réputé grâce à lui, Édouard Van Beneden va alors refaire ces mêmes expériences sur les animaux et végétaux les plus divers, obtenant les mêmes résultats.
Ses recherches firent de lui un scientifique de réputation mondiale. On ne compte plus ses distinctions. Il était, entre autres, à une époque où on ne voyageait pas comme maintenant, docteur honoris causa des universités d’Oxford, de Cambridge, de Leipzig, d’Edimbourg, d’Iéna, de Bruxelles. Sa propre université bénéficia, grâce à son aura, des moyens nécessaires à développer un institut de zoologie de premier plan. Il se dresse encore, sur la rive droite de la Meuse, le long d’un quai que l’on a fort justement dénommé Van Beneden, peu après sa mort à Liège le 28 avril 1910. Une statue rappelle à tous les étudiants de passage combien cet homme, qui partagea son savoir pendant plus de quarante ans avec leurs prédécesseurs fut l’un des pères de la biologie moderne.