Vincent De Groof, L’homme-Volant
Si Léonard de Vinci est considéré comme le précurseur de l’aéronautique, si François Pilâtre de Rozier fut, grâce à l’aérostat des frères de Montgolfier, le premier à s’élever dans les airs, si Clément Ader fut le premier à piloter son propre aéroplane, c’est le Brugeois Vincent De Groof qui fut le premier à faire planer une machine volante. Il est pourtant l’un des grands oubliés de l’Histoire. Peut-être parce qu’il fut aussi l’une des premières victimes de l’aviation.
Voler fut, sans conteste, l’un des plus longs rêves de l’Homme. Depuis l’Antiquité, il a tout tenté pour y arriver. Mais ni Icare ni Léonard de Vinci ne sont jamais arrivés à leurs fins. En fait, le premier à s’élever dans les airs fut François Pilâtre de Rozier à qui les frères Joseph et Étienne de Montgolfier avaient confié leur invention, le premier ballon à air chaud. Cela se passait à Paris le 21 novembre 1783. Quelques semaines plus tard, le 19 janvier 1784, à Lyon, un Belge, le Prince Charles de Ligne figurait parmi les premiers passagers à monter à bord du « Flesselles ». Une expérience qui ne sera pas sans danger. Victime d’un coup de vent, le ballon atterrit brutalement avant de s’enflammer. Les voyageurs s’en sortiront indemnes mais choqués.
S’élever n’est cependant pas planer. Et encore moins voler. Tout au long du XIXe siècle, plusieurs aventuriers vont essayer d’y arriver en se jetant, équipés de semblants d’ailes fixées aux bras et aux jambes. On les appelle les « sauteurs de tours ». Plusieurs y laisseront la vie ; d’autres s’en sortiront avec quelques membres brisés.
Né avec le Royaume, le 6 décembre 1830, le Brugeois Vincent De Groof fait partie de ces casse-cous, prêts à tout pour faire voler leurs drôles de machine. Il a à peine 32 ans qu’il tente, à Bruges, sa première expérience de vol plané. En fait, il crée sans le vouloir le parachute ascensionnel. C’est, en effet, le vent qui a soulevé son engin et son pilote jusqu’à une centaine de mètres de hauteur. Pourtant De Groof croit, dur comme fer, aux potentialités de sa machine volante. Il lui apporte quelques aménagements et, début juillet 1863, il présente à la presse et à ses mécènes une machine décrite comme étant « deux ailes de taffetas noir, soutenues par un réseau de cordes très fines et de roseaux, retenues entre elles par un ressort, qui tient lui-même à une machine très simple, où s’attache une ceinture que l’aéronaute s’attache autour du corps. »
Cette nouvelle tentative se solde par un échec, une des cordes maintenant le ressort s’étant allongée. Mais elle n’échappe pas à l’attention de la très généreuse Société d’Encouragement pour l’Aviation qui l’invite à poursuivre l’expérience à Paris. En fait, le comité précité a estimé son système orthoptère digne d’être soutenu. Malheureusement, De Groof ne parvint pas à faire décoller son engin et fut contraint d’aller trouver ailleurs les finances nécessaires à la poursuite de ses recherches.
L’aéronaute anglais Joseph Simmons lui propose alors d’effectuer de spectaculaires expériences publiques. Selon lui, elles pourraient drainer la grande foule qui, en payant un droit d’accès, financerait en même temps les essais. Ainsi, le 29 juin 1874, dans la banlieue de Londres, De Groof, attaché à son appareil volant, suspendu à un ballon réalise une première ascension. Lorsque l’ensemble se trouva à 950 mètres d’altitude, Simmons commanda une descente rapide du ballon, donnant l’impression que les deux composants de l’appareil se sont séparés en vol. L’expérience fit grand bruit. Si bien que, quelques jours plus tard, c’est au cœur de Londres que les deux aéronautes remettront cela. Et, attirée par le tapage médiatique c’est une foule énorme qui assiste à l’envol. Las, alors qu’il se trouvait à 200 mètres d’altitude, le nœud d’attache qui le tenait suspendu sous l’aérostat se défit. Mal équilibré, l’appareil se retourna et, tombant comme une masse, vint se briser dans un champ de Chelsea. De Groof n’est pourtant pas tué sur le coup. Mais son corps ne résista pas au choc. Il expira quelques minutes plus tard, s’offrant tout de même la « une » des principaux journaux britanniques.
Ainsi s’acheva la participation belge à la conquête de l’air. Il faudra attendre une trentaine d’années avant de voir d’autres compatriotes laisser des traces dans l’histoire aéronautique.
Pierre de Caters fut le premier à recevoir son brevet en 1908 et à effectuer de longs vols à l’étranger. Jan Olieslagers, surnommé « le démon anversois » signa lui, en 1910, le premier record du monde du vol en altitude, grimpant à 1776 mètres. La même année, la Tournaisienne Hélène Dutrieu fut la seconde femme à obtenir un brevet de pilote. Tout au long de sa carrière internationale, elle collectionna les coupes et les médailles.