Une spécialité belge des États dans un État qui n’existe pas

Une spécialité belge des États dans un État qui n’existe pas

La Belgique, nous l’avons vu, a basé une partie de son indépendance sur le rejet du protestantisme. L’objectif fut atteint par les catholiques, mais ce n’est pas pour autant qu’ils parvinrent à faire de la Belgique une sorte de grand Vatican. Ils étaient certes importants, mais sans pour autant être absolument majoritaires. Ils avaient en face d’eux un autre courant pour leur disputer le pouvoir : les libéraux. Ceux-ci avaient bien entendu des vues assez différentes de ce que devait devenir notre pays. Comme cela se faisait beaucoup ailleurs, ils voulaient un État laïc où serait clairement affirmée la séparation de l’Église et de l’État, les prémices d’une démocratie. Les libéraux étant quand même plus en phase avec ce que voulaient les gens, ce sont eux qui parviennent à faire souvent passer leurs idées et à faire de notre pays un pays moderne. 

Les catholiques belges au lieu de se fondre dans l’appareil d’État qui se met en place, en y faisant carrière, sans faire référence à leurs convictions religieuses, ce que certains feront quand même, vont commencer à créer une sorte d’État parallèle au premier, mais qui ne dépendra que d’eux. Ils vont donc en quelque sorte privatiser la vie publique et administrative. Pour défendre leurs convictions et la manière dont ils veulent voir la société évoluer, ils vont se lancer dans la mise sur pied d’institutions qui seront de véritables concurrentes pour celles de l’État. Les écoles, bien entendu, c’est l’exemple le plus connu, et nous verrons plus loin ce que fut la guerre scolaire. Mais aussi, les mouvements de jeunes, les hôpitaux, les mutuelles, les coopératives, les banques, les caisses d’épargne ou encore les compagnies d’assurances. 

À l’aube du XXe siècle, ce conglomérat catholique sera tellement développé qu’on pourra, à partir de ce moment, parler de véritable État dans l’État. Une fois les gens de gauche regroupés et à leur tour structurés, ils vont bien entendu aussi rentrer dans l’État mais aussi créer, à la manière des catholiques, leur propre réseau. On en arrivera à se retrouver dans de nombreux domaines avec des institutions de l’État, du mouvement catholique et du mouvement socialiste. Des blocs qui se font face et, bien entendu, concurrence. 

On pourrait se dire que c’était un bien, une offre multiple, une concurrence saine. Toutes choses qui ne pouvaient profiter qu’au consommateur. Mais très rapidement, certains ont constaté que cette concurrence se faisait au détriment de la rentabilité. Pour eux, dans l’enseignement, avoir deux ou trois écoles voisines dans la même entité n’est pas vraiment plus intéressant que d’avoir des hôpitaux concurrents dans lesquels il faut un appareillage identique. Toujours selon ce point de vue, le sommet sera atteint quand tous ces organismes vont se mettre à ne plus s’autofinancer et à sonner à la porte de l’État pour réclamer des subventions, des aides, des subsides. 

Il ne faut pas oublier que depuis toujours, mais encore une fois ce n’est qu’un constat, en Belgique, en plus d’avoir un « État » flamand et un wallon avec les régions, etc., il y a aussi un autre État dans l’État, c’est l’État catholique avec ses écoles, ses hôpitaux, ses syndicats, ses mutuelles. Chez nous, la séparation de l’église et de l’État, pour beaucoup, n’a jamais été qu’un vœu pieux. Le problème de tout cela c’est que ça a un coût et que le manque de rationalisme, la crise aidant, ça devient de plus en plus difficile à budgéter…

 

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