Tintin, un dossier bien embêtant, je dirais même plus...
Lors de cette période tourmentée, un homme voit plusieurs des personnes de son entourage être arrêtées. C’est pour lui un monde qui s’écroule, surtout quand quelques jours plus tard son domicile est perquisitionné et qu’il est lui-même convoqué à la police. Celui qui sera ainsi quatre fois interrogé par les policiers sur ses agissements et passera même une nuit en prison n’est autre que notre célèbre Hergé. Le père des noms moins célèbres Tintin et Milou.
Que s’est-il donc passé pour que cet amuseur d’enfants, ce dessinateur de bande dessinée soit ainsi inquiété ? C’est simple. Une fois la Belgique occupée, Hergé n’a pas, comme la plupart de ses collègues, « brisé sa plume », son crayon dans son cas.
Mais il s’est remis au travail pour ce qu’on a appelé le « Soir volé », en d’autres mots, le journal belge le plus prestigieux repris par des collaborateurs à la solde de l’Occupant.
Hergé est loin de son héros intrépide, opposé au mal ou du moins à ce qu’il juge mal. Tintin résiste, se bat ; Hergé, lui, dira plus tard : « Je détestais le genre résistant. On m’a quelquefois proposé d’en faire partie, mais je trouvais cela contraire aux lois de la guerre. Je savais que pour chaque acte de la résistance, on allait arrêter des otages et les fusiller. »
Il dira aussi que durant la guerre, contrairement à Tintin qui est un reporter, qui fouine, qui veut savoir, Hergé s’est « arrangé pour ne pas savoir » lors des années d’Occupation.
Dans les faits, tout est fait pour conduire Hergé là où il est dès le début. Le Petit Vingtième qui accueille ses premiers dessins est le supplément jeunesse du quotidien Le Vingtième Siècle dirigé par Norbert Wallez, un prêtre qui est en même temps journaliste. Ce Père Wallez, durant la guerre, soutiendra Léon Degrelle et, en 1947, sera condamné à quatre ans de prison et 200 000 francs d’amende pour collaboration. La suite est de la même veine.
« Tintin a eu plusieurs pères. C’est d’abord le fruit de l’abbé Norbert Wallez. Ce l’est, en second lieu, du grand artiste Hergé luimême, brandissant ses crayons. Et, indirectement, c’est de moi. »
L’extrait, ci-dessus, est tiré d’un livre bien mystérieux intitulé « Tintin, mon copain ».
Il s’agit d’un ouvrage abondamment illustré soit-disant édité à Klow en Syldavie, aux éditions du Pélican d’Or, et attribué, bien que certains, dont des membres de sa famille, le contestent, à celui qui était le chef du mouvement Rex : Léon Degrelle.
Ce livre nous inviterait à considérer, d’un œil tout neuf, le héros imaginé par Hergé, qui ne serait que… Léon Degrelle en personne.
Celui qui se faisait une fierté d’avoir été désiré comme fils par Adolf Hitler y explique comment il aurait, selon ses dires, inspiré à Hergé le personnage du jeune journaliste.
Tout commence en 1928. Hergé est dessinateur au Petit Vingtième, sous la houlette de l’abbé Wallez dont nous venons de parler. Ce même abbé a offert à Léon Degrelle le poste de rédacteur dans son quotidien. Poste que ce dernier occupe tout en poursuivant ses études universitaires à Louvain.
Georges Remi, le « Hergé débutant », est alors devenu l’ami de Degrelle qui a le même âge que lui. Paul Jamin, un troisième larron, condamné à mort en raison de sa collaboration au « Soir volé » pendant la guerre où il avait réalisé de très nombreuses caricatures antisémites fera son apparition en 1930.
Degrelle rêvait de partir à la conquête du monde. Il souhaitait tout voir, tout découvrir, tout risquer, comme un Tintin d’avant la lettre. C’est la guerre au Mexique. Encouragé par l’abbé Wallez, Degrelle embarque à Hambourg, sur le « Rio Panuco » en partance pour Mexico.
Nouveau tournant ! Léon Degrelle aurait découvert, dans ce pays en pleine guerre civile… des bandes dessinées ! Il serait tombé sur des gravures attrayantes, des actions mouvementées… bien loin des maigres essais du Petit vingtième !
Degrelle serait alors parti à la recherche d’un maximum de ces bandes dessinées et les aurait envoyées par grosses liasses à son copain Georges Remi resté à Bruxelles.
Pourquoi ne pas en faire autant ?
Bientôt, ces séries allaient rendre célèbre un Tintin que Georges Remi aurait imaginé comme une sorte de demi-frère de Léon Degrelle.
Il lui aurait adjoint ensuite un cabot, l’illustre Milou, un os tout blanc dans les mandibules.
Réalité ? Élucubration ?
Dans une interview accordée à La Libre Belgique le 30 décembre 1975, Hergé révélait avoir bien découvert la bande dessinée grâce à Léon Degrelle. Celui-ci aurait envoyé au Petit Vingtième, non seulement des chroniques personnelles, mais aussi des journaux locaux, pour situer l’atmosphère. Dans ceux-ci, on pouvait lire des bandes dessinées américaines, traduites en espagnol. Par contre, même si des ouvrages de référence comme le Quid, affirmait sans hésiter que : « Léon Degrelle inspire à Hergé son personnage de Tintin ». Dans la même interview, Hergé disait ne plus se souvenir du personnage qui lui aurait inspiré Tintin…
Même la célèbre culotte de golf prête à la polémique. Léon Degrelle se serait rendu dans un grand magasin de vêtements bruxellois. Il se serait déshabillé, aurait fait des essais, puis aurait payé, abandonnant sur une chaise vide son ancien pantalon, désormais inutile. Il n’aurait plus eu qu’à ressortir superbement remis à neuf en arborant fièrement son magnifique nouveau pantalon « golf » !
Hergé et Paul Jamin auraient été éblouis. Ce nouveau look leur aurait paru, à tous deux, comme le sommet de l’originalité, ainsi que de l’audace pour les anciens scouts qu’ils étaient.
Ce serait donc ce sentiment d’admiration qui aurait, par la suite, incité Hergé à revêtir (au crayon) d’une culotte de golf, toute pareille à celle de son ami Degrelle, le jeune Tintin encore tout nu…
Mais une culotte de golf n’aurait pas suffi. Pour rendre son personnage encore plus reconnaissable, il fallait ajouter un autre signe distinctif. Ce sera une houpette.
Cette houppette particulière sera, après l’historique culotte, la deuxième caractéristique de Tintin : une houppette audacieuse, une sorte de crête, qui se dressera dorénavant comme une provocation devant tous les ennemis du reporter et qui allait avec lui survivre à toutes ses aventures !
Dans l’hebdomadaire Le Moustique, Alain de Kuysche écrit, en mars 1991 :
« La silhouette de Léon Degrelle, sa verve et son esprit frondeur ne comptèrent pas pour rien dans Tintin au Pays des Soviets. »
Cette houppette aurait-elle la même origine,supposée,que le pantalon ?
Pour le savoir, il suffirait peut-être de regarder le portrait de Degrelle dans sa prime jeunesse, peint par l’Ardennais Albert Raty.
Est-ce la même houppette qui est là, sur le fusain, bien nette, presque enroulée, à droite de la raie de la chevelure, exactement comme celle que Tintin portera ?
Ainsi, si l’on en croit tous ces récits, au fur et à mesure, Hergé, pour donner vie à son Tintin, aurait emprunté à Degrelle ses bandes dessinées du Mexique, sa culotte de golf et la houppette touffue dont l’avait coiffé un peintre ardennais.
Après 1945, on aurait pris soin de ne pas mettre en avant cette possible filiation « Degrelle-Hergé ». Des documents irréfutables permettront-ils un jour de savoir avec précision et de trancher ?