Libre, l'assassin d'Alexandre Galopin écrivait des romans policiers
Le 28 février 1944, il n’est pas encore 21 h quand retentit la sonnette du 30, boulevard Saint-Michel, à Bruxelles, l’hôtel particulier où vit Alexandre Galopin, gouverneur de notre Société Générale. On demande à lui parler et lorsqu’il apparaît, il est immédiatement abattu de plusieurs coups de feu. Il décédera dans la nuit au cours de l’opération tentée pour le sauver. L’homme qui vient d’être abattu a permis à la Belgique de fonctionner pendant ces années d’occupation. Comme le lui avait demandé le gouvernement, il resta aux commandes de l’industrie belge pour que le pillage ne soit pas systématique comme en 1914, que les Belges puissent encore travailler, échanger le produit de ce travail contre des denrées alimentaires et échapper ainsi à la misère. Il le fit intelligemment en essayant d’aider le moins possible l’Occupant, lui mettant même souvent des bâtons dans les roues.
Bien sûr, tout cela ne pouvait que déplaire aux Belges supporters de l’Ordre nouveau.
Les assassins seront rapidement connus, il s’agit d’un groupe de collaborateurs de De Vlag conduit par un dénommé Verbelen. Leur forfait accompli, Verbelen envoie immédiatement un rapport au général S.S. Jungclaus. Ce dernier le félicite et télégraphie aussitôt la bonne nouvelle à Himmler qui l’accueille avec d’autant plus de soulagement que, depuis des mois, il cherchait le moyen de se débarrasser d’un adversaire aussi intelligent.
Après le conflit, Robert Verbelen sera le principal inculpé d’un procès intenté à soixante-deux membres du Vlag et sera reconnu coupable de crimes de guerre, d’ « actes de terrorisme aveugle » dont la mort de cent-un résistants belges et, le 14 octobre 1947, il sera condamné, par contumace, par la cour martiale du Brabant, à la peine capitale.
Par contumace, parce qu’on ne l’a arrêté ni avant le procès, ni d’ailleurs après. Car malgré la condamnation à mort, notre gouvernement n’inscrivit jamais le nom de Verbelen au registre des criminels de guerre et ne le transmit pas davantage à la Commission des crimes de guerre des Nations Unies ! Pourquoi ? Mystère.
Mais en matière de collaboration, on n’est plus à ça près… Verbelen, réfugié en Autriche, y travailla jusqu’en 1956 pour l’armée américaine et la CIA. En 1959, il prit la nationalité autrichienne et cela sous… son vrai nom ! Trois ans plus tard, d’anciens résistants autrichiens enquêtant sur un bulletin néonazi découvrirent qu’il était édité par Verbelen, et portèrent plainte. Celui-ci fut arrêté le 12 avril 1962 par la justice autrichienne qui avait enfin connaissance de ses crimes belges… Mais son statut de citoyen autrichien empêchait toute extradition vers la Belgique. En 1965, il fut jugé pour crimes de guerre et… acquitté, le jury considérant qu’il n’avait fait que suivre les ordres ! La Cour suprême annula cette décision en 1967, mais l’affaire ne fut jamais rejugée…
Robert Verbelen écrivit des romans d’espionnage, continua à militer dans des organisations néonazies et mourut dans son lit, libre, et sous sa véritable identité, en 1990.