Petits sondages entre Wallons
Les règlements de compte ont tous une fin et il faut reconstruire.
Les 20 et 21 octobre 1945, se tient à Liège un congrès wallon qui, en réunissant plus de mille participants, des élus, des syndicalistes, des intellectuels, des fonctionnaires importants, se veut représentatif de l’ensemble des courants qui parcourent la région. Il est présidé par l’ancien ministre socialiste Joseph Merlot qui revient juste de déportation. Le but est d’y réfléchir à l’avenir.
Quatre options sont proposées : la première, le statu quo ante, c’est-à-dire le maintien de la structure unitaire de l’État belge ; la deuxième, l’autonomie dans le cadre d’un État belge que l’on aurait pour ce faire réformé ; la troisième, l’indépendance ou encore, la quatrième, le rattachement à la France.
Outre le fait qu’encore une fois ce sont les Wallons qui relancent le débat sur le futur de la Belgique et qu’on peut, encore une fois, s’étonner qu’à l’heure actuelle il n’y ait jamais personne pour rappeler que depuis le début, les Wallons pas plus que les Flamands n’ont envie de cet état. Il y a surtout les résultats. Dix-sept votes seulement pour la Belgique unitaire ou de « papa », 154 pour l’indépendance, 391 pour l’autonomie dans le cadre d’un état fédéral et le plus étonnant 486 congressistes, c’est-à-dire le plus grand nombre, qui votent, eux, pour le rattachement à la France…On se dépêche d’oublier ce « mauvais » résultat qu’on qualifie de sentimental. Mais on est en droit de se demander en quoi on pouvait éprouver un doux sentiment en pensant à notre voisin du sud à une époque où l’Ardèche, la Provence ou encore la Côte d’Azur n’attiraient pas nos compatriotes ! Est-ce le sac de Liège par les Bourguignons après le lâchage du roi de France ? La destruction de Bruxelles par les hommes de Louis XIV ? Les pillages des révolutionnaires ? La conscription forcée de l’époque napoléonienne ? L’habitude de se servir de nos contrées comme champ de bataille ? Les injures de Mai 1940 faites à nos soldats et à nos réfugiés qui donnaient à nos grands-parents cette volonté de lier à nouveau notre destin à la France ?
De toute façon, comme ça faisait désordre, on fait un second vote ou là, la « raison » arrive première dans les urnes, c’est-à dire une presque unanimité pour l’autonomie.
Maintenant, on crie au scandale quand les Flamands qui, après avoir vu les Wallons voter pour la destruction de la Belgique en voulant se rattacher à la France ou être indépendants à plusieurs reprises, revendiquent la même chose…
Parce qu’en plus, on continuera. En mai 1946, les Wallons, dans une belle unanimité, socialistes libéraux et communistes, déposent au Parlement un projet de révision de la Constitution qui devait faire de notre pays une confédération formée de deux États et d’une région fédérale, tous trois disposant de leur assemblée. Le processus sera relancé en mai 1947 à Namur. Mais pour beaucoup, ce genre de débat n’est le fait que d’une petite élite intellectuelle. Il est à mille lieues des préoccupations de la grande masse des Wallons. Pour eux, l’habitant du sud du pays, contrairement au Flamand, réagit en fonction de ses intérêts matériels et non d’un quelconque sentiment national.
N’est-ce pas ce Wallon qui, en quelques dizaines d’années, va passer de royaliste belge opposé aux Hollandais (en 1830) à indépendantiste, rattachiste français et républicain, antiroyaliste presque d’extrême gauche, au moment de la question royale quand la Wallonie est très riche ? Unitaire, royaliste, toujours de gauche quand aujourd’hui elle est mal en point et s’accroche aux transferts venus de Flandre…
Les Flamands aussi ont changé, ils sont passés de royalistes à républicains. Par contre, eux au moins sont constants sur un point, que ce soit au début du siècle passé quand ils étaient pauvres comme Job ou aujourd’hui alors qu’ils sont riches : ils veulent leur indépendance, un point c’est tout !