Napoléon en visite à Waterloo
Étreinte d’un cadavre En juin 1787, Danton épousa Antoinette Gabrielle Charpentier, dont il était éperdument amoureux. Le 10 février 1793, alors qu’il se trouvait en Belgique, elle décéda à Paris en mettant au monde son quatrième fils. Fou de douleur de n’avoir pu rentrer à temps, le 17 février, il courut en pleine nuit au cimetière, accompagné du sculpteur Claude André Deseine. Avec l’aide du gardien des lieux, il fit exhumer et ouvrir le cercueil pour serrer le cadavre dans ses bras et le couvrir de baisers. En sanglotant, il l’implora de lui pardonner ses multiples frasques sexuelles. Le sculpteur pratiqua un moulage du visage de la défunte. Son buste mortuaire, aujourd’hui exposé au musée de Troyes, fut exhibé l’année même de sa mort.
Fusilleur aussi malhabile que mal élevé
Quand Bonaparte fit une visite officielle à Liège, le 1er août 1803, il fut reçu à la préfecture du Département de l’Ourthe où les renommés fabricants d’armes lui firent cadeau d’un magnifique fusil de chasse à double canon, damasquiné, décoré de motifs en argent et de médaillons en or finement taillés. La tradition rapporte que cet impatient, peu habile au maniement des armes, saisit le fusil, tira la baguette, mais ne parvint pas à l’introduire dans le canon. D’un geste nerveux, il remit alors le tout en bougonnant à un officier. Le lendemain, au moment du départ, le fusil fut « oublié »… Napoléon n’a jamais excellé en politesse…
Trop exigu pour le grand maître
Le 3 août 1803, les autorités de la ville de Huy attendent le passage de Napoléon. Mais quand il arrive, un incident gênant vient quelque peu gâcher leur plaisir : la porte cintrée de l’étroite rue de Namur, goulot enserré entre la Meuse et le promontoire rocheux de l’actuelle forteresse, est trop basse pour permettre le passage du convoi. Il faut délester les voitures des bagages pour la franchir. On raconte qu’on fait appel à une harmonie pour faire patienter Napoléon, quelque peu irrité du retard. « Il porta ses regards de génie bienfaiteur sur l’arcade et sur la difficile et périlleuse sortie de Huy à Namur, précise un document contemporain, puis dicta quelques notes au crayon et, de retour dans son cabinet parisien, ordonna de corriger les défauts de la route de Huy à Namur », baptisée en souvenir « chaussée Napoléon ».
Généreux empereur
Napoléon, cette fois accompagné de l’impératrice Marie-Louise, revient à Liège le 8 novembre 1811. Il visite la fonderie impériale de canons fondée en 1803 par le Parisien M. Périer à Saint-Léonard. Le personnel reçoit les augustes visiteurs à qui ils sont présentés par Son Excellence le grand-maréchal du Palais, duc de Frioul. L’inscription suivante, gravée sur une plaque en fonte, en perpétue le souvenir : « Napoléon-le-Grand et Marie-Louise visitent la fonderie impériale le 8 novembre 1811. » L’empereur autorise qu’on la fixe sur la devanture de l’établissement et offre aux ouvriers un double salaire pour le mois. Tous crient en chœur « Vive l’empereur ! Vive l’impératrice ! » Profitant de l’occasion, plusieurs personnes présentent des pétitions à leur hôte illustre, qui s’engage à les examiner favorablement.
Ils sont fous ces cosaques
Durant les conflits napoléoniens de 1813-1814, période d’abomination et de pillages pour les Belges, les cosaques constituent les éclaireurs des armées alliées. Le matin du 1er février 1814, quand les dernières troupes de l’arrière-garde française quittent Bruxelles, les cosaques pénètrent dans la capitale, suivis des hussards, des lanciers et des chasseurs à pied prussiens. Les cosaques poursuivent les Français du général Maison, mais songent surtout à boire, à piller et à violer les femmes. De petite taille, hirsutes, vêtus de longs manteaux noirs, le bonnet de fourrure enfoncé sur le nez de leur face de Kalmouks, les yeux bridés, d’une saleté repoussante, ils grouillent de poux et dégagent un fumet pestilentiel. Leur équipement se réduit à un cheval, une selle, une couverture, une lance effilée, un pistolet et un grand fouet avec lequel ils fustigent les paysans. Quant aux escadrons Baskirs, ils se contentent d’arcs.
Ces nouveaux occupants sont des goinfres qui ingurgitent des mets bizarres : œufs de fourmis, huile des lampes, chandelles (on les appelle « mangeurs de chandelles »), cierges funéraires volés dans les églises et débités en grosses rondelles, du Faro, notre bière nationale, mêlée de poudre à fusil et de poivre… Bon appétit !
Par ailleurs, les cosaques sont de merveilleux cavaliers, montant et descendant de leurs chevaux au galop et ramassant, toujours au galop, les blessés ou les morts tombés au cours des combats.
Waterloo, très macabre plaine…
À l’issue de la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815, de nombreux hommes-corbeaux, dont des soldats, investissent le champ de bataille dès la nuit tombante. Jean-Claude Damamme décrit leur comportement, qui fait froid dans le dos :
« Affairés, le dos courbé, un couteau à la main, ils vont d’un cadavre à un autre. Rien ne les rebute. Ni ce tronc sans tête, ni ce corps sans jambes ou sans bras, ni ce visage dont la mâchoire n’est plus qu’un gouffre noirâtre. Ils arrachent les épaulettes dorées des officiers, les décorations et les galons poissés de sang ; ils fouillent les poches et jettent à la lune ce qui leur paraît de peu de valeur. » Ces vautours coupent doigts et oreilles pour s’emparer plus facilement des bijoux des victimes, avec voracité quand il s’agit des anneaux d’or fixés aux oreilles des grenadiers de la Garde. Même les fers des sabots des chevaux les intéressent.
Lorsque commence le ramassage des blessés et des cadavres, pour les inhumer, le comte de Saint-Germain témoigne du procédé utilisé :
« Pour recueillir les cadavres, on attachait à deux forts chevaux une corde garnie de crochets en forme d’hameçon. Cette corde était promenée sur le sol, puis, quand elle se trouvait suffisamment garnie, était traînée jusqu’à la fosse commune. Très vite cependant, on se servit du bois pour brûler les cadavres par petits tas. À défaut d’arbres, on employa même du goudron pour entretenir les feux. »
Le déblaiement des corps prendra des semaines. On peut lire dans le journal bruxellois L’Oracle du 24 juin 1815 :
« On s’occupe, en ce moment, à enterrer les cadavres et des bûchers vont être élevés pour y consumer les corps qui pourraient occasionner l’infection dans les campagnes avoisinantes. Réquisitionnés sans aucun ménagement par les Prussiens, les paysans sont obligés aussi de creuser de vastes fosses et d’y enfouir pêle-mêle soldats et chevaux en les recouvrant de chaux vive. »
À Bruxelles, des loueurs de voitures organisent des visites du champ de bataille… Les curieux sont embarqués au Marchéaux-Tripes, devant l’église Saint-Nicolas. L’excursion aller-retour coûte un Napoléon, tous frais compris. Il n’y a pas de petits profits !
Mise aux enchères d’une mèche de cheveux de Napoléon
Le 5 avril 1814, l’empereur abdiquait à Fontainebleau et s’apprêtait à partir pour l’île d’Elbe. Alors qu’un coiffeur lui coupait les cheveux, il s’exclama : « Messieurs ! Prenez un peu de ces cheveux, ils seront pour vous le plus précieux des souvenirs ! »
Un chef de bataillon, François Suchorzewski, ramassa une mèche qui resta dans sa famille pendant un siècle et demi. Après diverses péripéties, elle finit par aboutir chez un collectionneur liégeois. Le 9 décembre 2006, ses héritiers l’ont vendue aux enchères, à Liège, avec tous les documents prouvant son authenticité. La mise à prix était de 2500 euros.