Merlin L’inventeur
La ville de Huy peut s’enorgueillir d’avoir donné naissance à l’un des inventeurs les plus féconds mais aussi les plus originaux du XVIIIe siècle. Horloger, fabricant d’instruments de musique et d’automates, Jean-Joseph Merlin est aussi considéré comme l’inventeur du patin à roulettes, du pèse-personne ou d’un jeu de whist pour aveugles. Entre autres…
Jean-Joseph Merlin a de qui tenir. Né à Huy le 6 septembre 1735, il est le fils de Marie-Anne le Vasseur et de Maximilien-Joseph Merlin, un ferronnier réputé d’origine française. Son grand-père maternel avait, lui aussi, acquis une belle notoriété en qualité de maître-serrurier. Pas étonnant dès lors que notre homme ait été instruit, dès l’âge de quatre ans, au travail du métal. Son avenir était assuré. C’est pourtant à Paris qu’on le retrouve vers 1754. Il s’y initie à l’exercice de l’horlogerie, à la mécanique et à la lutherie. Ses capacités pluridisciplinaires sont remarquées par le comte de Fuentes, Ambassadeur extraordinaire d’Espagne en Angleterre. Il entre à son service et va le suivre dans sa résidence londonienne. Le 24 mai 1760, il débarque donc dans la capitale britannique et, après s’être fait engagé par les prestigieux orfèvres Sutton et Cox, devient très vite réputé pour son inventivité en matière d’horlogerie et de fabrication d’instruments de musique.
Merlin est aussi un homme du monde, un sorteur invétéré mais aussi excentrique. Il sait qu’il doit se faire remarquer pour se faire connaître et s’offrir une clientèle. Ainsi, lors d’une fête à Londres, voulant faire découvrir un nouveau type de violon, il arrive, pour se faire remarquer de son hôte et de ses invités, sur des patins dont il a remplacé la lame par deux roulettes. Manquant, bien évidemment, d’équilibre, il acheva sa (courte) course dans un miroir qui se brisa de mille éclats. Jean-Joseph Merlin fut blessé ; dût dédommager les propriétaires du miroir… mais entra, dans l’histoire, comme étant l’inventeur du patin à roulettes. Une invention qui lui est, aujourd’hui, contestée.
Mais notre homme a d’autres créations à son palmarès. En 1773, il invente la « rôtissoire hollandaise », aménageant un réflecteur concentrant la chaleur vers l’intérieur du four et imaginant un tournebroche mécanique actionné par un ventilateur posé devant l’engin et qui tourne en fonction de la vapeur qui s’en échappe. Il met au point aussi une chaise pour invalides, dont les roues étaient actionnées à l’aide de manivelles disposées à l’extrémité des accoudoirs. Il crée également des instruments de musique, réduisant la dimension d’un piano à queue à sa plus simple expression. Ainsi naît le piano droit, dont un exemplaire, signé Merlin, est exposé au MIM, le musée des instruments de musique de Bruxelles. Mais aussi le clavecin à six octaves, qui se désaccorde moins vite que les clavecins traditionnels.
On lui doit encore le premier pèse-personne, un appareil à cacheter les lettres, des automates, un plateau tournant de service à thé, une minuscule balance permettant de peser des objets très réduits comme les pièces d’or. Et même un système permettant aux aveugles de jouer au… whist!
Pour assurer la promotion de ses inventions, Jean- Joseph Merlin utilise tous les moyens. Ainsi, sur les flancs du « carrosse mécanique » qu’il avait également inventé et avec lequel il se promenait, sans cocher, dans Hyde Park, il avait apposé les enseignes de son atelier et des gravures de ses créations, le tout assorti de slogans. Il est donc aussi un des précurseurs de la publicité.
Jean-Joseph Merlin mourut, dans la capitale britannique, le 4 mai 1803, sans postérité. On a néanmoins conservé ses traits, son buste ayant fait l’objet d’un portrait signé Thomas Gainsborough. Excusez du peu ! C’est dire si le personnage ne passait pas inaperçu dans la bonne société londonienne.