L’incroyable voyage de l’homme de Spy


C’est durant l’été 1886 que le géologue Max Lohest, chercheur à l’Université de Liège, découvre dans un bois de Spy, au fond d’une grotte, au bord d’un cours d’eau, le squelette de celui qu’on appellera bientôt «l’homme de Spy». Un de ses collègues paléontologues, Julien Fraipont, à qui Lohest confie les précieuses reliques pour expertise, conclut que les ossements étaient de la même époque que ceux de l’homme de Néandertal, trouvés trente ans plus tôt en Allemagne, c’est-à-dire qu’ils dataient de 35 000 à 45 000 ans. La plupart des scientifiques s’étaient montrés dubitatifs sur la très grande ancienneté de l’homme de Néandertal, préférant attendre qu’une deuxième découverte vienne confirmer la première. D’où l’importance capitale de la trouvaille de Lohest.

Max Lohest

Lorsque la Deuxième Guerre éclate, témoigne-t-elle, la famille part en exode avec… l’homme de Spy!

«Ma tante l’a enroulé dans une carpette pour descendre en France. Une fois arrivée à Limoges, elle s’est dit que sa place était au musée local. Mais lorsqu’elle a vu l’intérêt du conservateur pour son homme de Spy, elle s’est ravisée : “Oh là là ! Si je le laisse ici, je ne le reverrai jamais de la vie !” Alors, elle a remballé son homme, elle l’a emmené à l’hôtel et elle l’a gardé sous son lit ! »

Celui-ci range les ossements dans un tiroir de son bureau à l’Université car, comme il a payé lui-même le porion qui l’a aidé dans ses recherches, il estime qu’il en est propriétaire. En 1914, les Allemands les cherchent en vain car, en l’absence du géologue, un collègue a pris la précaution de les placer dans un panier et de les porter chez un notaire, où Lohest les récu- pérera. Mais, à sa mort, en 1926, l’Etat intente un procès à la famille pour récupérer le bien. Sa veuve le gagne et les ossements restent chez elle, au Mont-Saint-Martin à Liège, où elle permet aux spécialistes de venir les observer. «On a vu défiler des savants en nombre chez nous, il y avait tout un bazar autour de ce squelette…», se souvient sa petite- fille, Suzanne Dallemagne. Un chercheur américain a eu beau proposer à sa grand- mère de l’acheter pour 3 millions, elle a refusé.

Plus tard, la famille décidera de le déposer au Musée des Sciences naturelles à Bruxelles, où il repose toujours. En fait, on sait aujourd’hui que l’expression « homme de Spy » est impropre car les ossements sont ceux de trois ou quatre personnes au moins, dont un enfant et une femme, « la femme de Spy » ?…

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