Jusqu’à l’âge de 32 ans, Bismarck n’avait jamais songé à donner de la tendresse. Il changea d’avis lorsque Johanna von Puttkamer entra dans sa vie. Elle devint l’idéal des épouses allemandes. Elle lui donna trois enfants et une carrière politique s’ouvrit à lui. Elle le conduisit dans la plupart des pays d’Europe et s’arrêta plus d’une fois à Bruxelles.
Chaque jour lors de ses différents déplacements, Bismarck écrivait des lettres pleines de tendresse à sa chère épouse Johanna. S’ennuyant à mourir, il avait sollicité un congé de six semaines afin de se rendre aux eaux de Bagnères-de-Luchon. Il semble que la police française ne s’était pas inquiétée des relations suspectes que le célèbre chancelier entretenait par personnes interposées avec les républicains français.
En 1860, le prince Nicolas Orloff fut envoyé à Bruxelles comme ministre plénipotentiaire du tsar de toutes les Russies. Le 1er août 1862, Bismarck se rendit dans les Pyrénées puis s’installa à Biarritz où il retrouva les Orloff. Gaie, fraîche et naturelle, Madame Orloff ne le laissa pas insensible. Il avait déjà eu l’occasion d’approcher le couple lors d’une soirée officielle à Saint-Pétersbourg. La police assurait la protection du prince Orloff, ami du tsar Alexandre II mais surtout ami du fils du chef de la police secrète du tsar.
Johanna Von Puttkamer
Les Orloff, c’étaient le prince Nicolas Alexievitch, ambassadeur de Belgique à Bruxelles, et sa jeune femme, la princesse Catherine Troubetzkoï. Leur mariage fut un mariage d’amour. À Bruxelles, les Orloff se produisaient beaucoup dans les salons du Quartier Léopold. Le jeune Léopold II était assidu de la légation russe située à l’Hôtel Belle Vue, place Royale, à deux pas du Palais. Il ne cachait pas la vive admiration qu’il portait à Catherine Orloff.
Durant l’été 1862, le couple était descendu à Biarritz et logeait au même hôtel que Bismarck. La princesse produisit une impression profonde sur le rude militaire prussien d’un quart de siècle plus âgé qu’elle. Bismarck fut séduit et en devint très épris.
Il parlait de la princesse dans chacune des lettres qu’il écrivait à sa chère Johanna. La vie de Bismarck se trouva transformée en véritable enchantement. Ce n’étaient plus les bains qui allaient retenir Bismarck à Biarritz. Presque chaque soir, il dînait avec ses amis. Ils faisaient ensuite de longues promenades au clair de lune sur la plage, et parfois des chevauchées le long des vagues.
Avec ses nouveaux amis, Bismarck vivait en plein air et jouissait de la nature. Certains soirs, Kathy leur jouait Beethoven ou Mendelssohn. Le prussien retrouva la santé et chaque jour fut consacré à une excursion. Le trio quitta Biarritz pour Toulouse d’où Bismarck fut rappelé par Guillaume Ier. Jamais il n’oublia la jeune femme dont l’éclat radieux avait embelli ses mois d’été. Au jour anniversaire de leur rencontre, il adressa à Catherine un long message empreint de mélancolie.
La Princesse Catherine Orloff
En octobre 1865, Bismarck se rendit pour la troisième fois au bord de l’Atlantique. Cruelle déception, la princesse Orloff ne quitterait pas sa propriété de Bellefontaine près de Fontainebleau. Cette fois, la comtesse de Bismarck avait accompagné son mari. Biarritz n’eut plus aucun charme, le séjour fut misérable et une sensation d’ennui et de tristesse envahit Bismarck.
En juin 1866, la princesse Orloff était gravement malade. Bismarck lui écrivit le jour même de son départ pour l’armée en Autriche.
Au printemps 1867, Léopold II invita l’empereur Guillaume Ier à venir à Bruxelles. Il l’accueillit à la gare du Midi, toujours en construction. Bismarck l’accompagna et eut ainsi l’occasion de rencontrer Catherine Orloff et de filer le parfait amour avec elle, dans un pavillon discret du Jardin de Zoologie, futur parc Léopold. Mais Bismarck avait toujours la nostalgie de Biarritz.
En 1870, les Orloff étaient à Paris où le prince devint ambassadeur de Russie. Gravement atteinte depuis la naissance d’une fille qui ne put survivre, accablée par ce deuil, la radieuse princesse Orloff mourut d’une maladie des reins, au début de l’année 1875, à l’âge de 35 ans. Elle aurait été inhumée à Bellefontaine. Le prince termina sa carrière comme ambassadeur à Berlin en 1886 et y mourut la même année.