Le raté du 21 juillet
La Belgique aurait pu se construire sur un épisode fédérateur de son histoire. Au moment de notre indépendance, ce qui est propre à tous les Belges, c’est de bouter l’ennemi hollandais dehors. Ça, tout le monde est d’accord, que ce soit les Flamands, les francophones, les laïcs, les catholiques, les petits bourgeois qui savent qu’ils ont gagné, le peuple qui n’a rien compris mais qui a pu croire en de meilleurs lendemains. On aurait tous pu être d’accord là-dessus. Il y avait eu une révolution et le symbole, l’occupant était parti. Un peu comme en France, la prise de la Bastille (même vide, elle était pour tous un symbole).
Au début, cette célébration a bien lieu aux bonnes dates, du 23 au 26 septembre, sur la place des Martyrs où, devant l’impossibilité de sortir de la ville pendant les combats, les quatre cent soixante-six combattants belges tués ont été enterrés. C’est la cérémonie de deuil pour les combattants décédés et le cortège funèbre vers la place des Martyrs qui ont formé la base des Fêtes de septembre qui commémoraient la révolution.
Toutefois, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance belge en 1880, Léopold II décide de déplacer la fête nationale en août. Sa raison ? On est redevenu ami avec les Pays-Bas et les Fêtes de septembre, au cours desquelles le sentiment très antihollandais de la révolution était à chaque fois ravivé pouvait déplaire ou, qui sait même, se retourner contre lui. Un peu comme si les Américains avaient supprimé le 4 juillet 1776 comme fête de leur indépendance parce qu’ils étaient de nouveau copains avec les Britanniques !
Le fait est que le seize août devient ainsi le jour officiel de la fête nationale. Pourquoi le 16 ? Peut-être pour faire le pont avec le 15 ? On était déjà très malin à l’époque ! Petit problème : les Fêtes d’août ne seront jamais vraiment populaires. Contrairement au mois de septembre, où on fêtait le fait d’avoir bouté dehors les Hollandais, le mois d’août ne représentait aucun événement historique que l’on aurait pu célébrer. Si on ajoute à cela que nos édiles, faisant jouer à fond leur fibre patriotique, étaient souvent absents pour cause de séjour campagnard ou vacancier… Après 10 ans de ratages, on décida de changer.
Donc, on a joué l’été, le 21 juillet (à l’époque, le Belge ne partait pas en vacances), c’est-à-dire le jour de la prestation de serment de Léopold que les Anglais venaient de nous refiler. Là, on a raté une belle occasion d’avoir un symbole, qui aurait pu mettre d’accord tout le monde : le départ de l’ « Occupant ». Le reste n’était que politique européenne et compromis. On fête donc un compromis (pas encore à la belge), mais pas « le » moment clé de cette période… Raté