La première catastrophe écologique en Belgique
En 1828, la Société Métallurgique d’Engis est créée pour l’exploitation du zinc. En 1845, elle devient la Société de la Nouvelle Montagne qui, profitant de la découverte de gisements de phosphate en Hesbaye, va fabriquer aussi des engrais chimiques. En 1882, elle se transforme en Société Métallurgique de Prayon et concentre ses activités sur la chimie.
Engis est aussi connue pour être une des villes les plus polluées de Belgique. Du 1er au 5 décembre 1930, alors que le brouillard recouvre une grande partie de la Belgique, une inversion de température entre 70 et 80 mètres d’altitude se produit dans la vallée de la Meuse, entre Huy et Jemeppe-sur-Meuse. Cette section du Val Mosan, dans laquelle se trouve Engis, constitue un bassin industriel fort important et abrite de nombreuses usines utilisant la combustion du charbon. La vallée connaît alors des conditions anticycloniques, une température de 1 à 2°C, un vent très faible (1 à 3 km/h), une accumulation de gaz et de particules de suie. Le brouillard persistant maintient au niveau du biotope humain les particules fines en suspension dans l’air et les particules de dioxyde de soufre (SO2) produites par les industries ; hommes et animaux ne peuvent que les respirer. Les dégâts sont quasiment immédiats : dès le troisième jour, des milliers de personnes sont atteintes de troubles respiratoires (irritation de la gorge, douleurs dans la poitrine, quintes de toux, respiration difficile, augmentation de l’adrénaline, nausées, vomissements). Plus de soixante personnes, âgées de 20 à 80 ans, souffrant d’affections cardiaques ou pulmonaires, décèdent en deux jours. Ce drame suscite immédiatement une violente émotion au niveau local, national et international ; les journaux parlent de « mort noire », de « Vallée de la Mort » ou encore de « brouillard homicide ».
Dès le 6 décembre, une enquête judiciaire est ouverte et un comité d’experts nommé pour déterminer les mécanismes des accidents. Les dix autopsies pratiquées révèlent la présence de mucosités dans la trachée et les bronches, des œdèmes pulmonaires et des hémorragies, mais pas de signe d’empoisonnement systémique. Les résultats de l’expertise sont publiés en 1931 dans le Bulletin de l’Académie Royale de Médecine de Belgique. Ce rapport constitue un point de repère dans l’histoire de la pollution de l’air, car c’est la première fois qu’est établie scientifiquement la démonstration de la mortalité et des maladies engendrées par la pollution de l’air. Il identifie les mécanismes du brouillard hivernal, l’inversion de température, les résultats de la combustion du charbon, les sujets à risques et il prédit de futurs désastres… « Si les mêmes conditions se trouvent réunies, les mêmes accidents se reproduiront. (…) Si un désastre survenait à Londres dans des conditions analogues on aurait à déplorer 3 179 morts immédiates ». Ces prédictions vont malheureusement être confirmées par les faits : du 5 au 9 décembre 1952, Londres va être plongé dans un épais brouillard ; en trois mois, on va compter 12 000 décès supplémentaires par rapport à la mortalité normale.
Ce drame a eu une forte répercussion dans la littérature scientifique. Au plan local, Engis est devenue l’une des communes les plus surveillées quant à la pollution, mais les événements de 1930 sont peu à peu tombés dans l’oubli. La commune d’Engis a cependant célébré le 70e anniversaire du drame, en décembre 2000, par l’installation devant la maison communale d’une sculpture de l’Engissois Paul Vandersleyen.