Godefroi IV de Boulogne

Godefroi IV de Boulogne,
dit « de Bouillon » (1061-1100)

Dernier duc de Basse Lotharingie, chef de la première croisade, il s’empara de Jérusalem en 1099. Il prit alors le titre d’ « avoué du Saint-Sépulchre ».

Un croisé gentilhomme d’une entreprise belge

« Les croisades, a dit l’historien liégeois Godefroid Kurth, sont […] une entreprise belge. Nous y sommes allés les premiers avec Godefroid de Bouillon et nous y sommes restés les derniers avec Charles Quint et Don Juan d’Autriche. Nous sommes le peuple de la croisade, c’est chez nous qu’elle est venue prendre ses chefs et qu’elle a trouvé ses principaux effectifs… L’Europe entière le reconnut, puisque c’est à des princes belges qu’elle donna la couronne du royaume de Palestine et celle de l’empire latin de Constantinople. »

Godefroi de Bouillon, fils du comte Eustache de Boulogne et d’Ide d’Ardenne, est né en 1061 au château de Baisy, sur la Dyle, à proximité de Nivelles. Dès l’enfance, il s’initie au métier des armes et se fortifie par des exercices physiques. À 15 ans, il hérite de son oncle du duché de Bouillon. Dès 1077, il fait preuve de bravoure en défendant victorieusement Bouillon contre le comte Albert de Namur et l’évêque Thierry de Verdun. Guillaume de Tyr atteste qu’un jour, à la Cour impériale, alors qu’il est provoqué en duel, Godefroi brise son épée sur le bouclier de son adversaire. Avec le pommeau, il parvient à culbuter son rival, mais a la grandeur d’âme de l’épargner. À Jérusalem, tandis que ses compagnons se conduisent comme des brutes, il retire son armure, se déchausse et se met religieusement à longer les murs de la ville.

Auto-sponsoring

Pour financer son voyage en Terre Sainte, Godefroi vend ses biens fonciers. À l’évêque de Verdun, il aliène Stenay et Mouzon et, à celui de Liège, son duché de Bouillon. Il vend aussi ses terres de bord de Meuse, ainsi que celles de Genappe et de Baisy, qui appartiennent à sa mère. Quand il part pour l’Orient avec ses deux frères, Eustache et Baudouin, le 10 août 1096, à la tête de tout au plus quatre-vingt mille guerriers de nos régions, Godefroi a voué son existence à la libération de Jérusalem.

Pas de quartier

Selon Guillaume de Nogent : « Le duc Godefroi avait les membres petits, mais la taille au-dessus de la moyenne, sa parole était agréable, son sang-froid extrême. Dans cette guerre sainte, il se distingua par sa vaillance. De sorte que cet exploit fameux qu’un témoin digne de foi rapporte à son sujet est très vraisemblable : à Antioche, sur le pont de Pharphas, s’avançait vers lui, à cheval, un Turc sans armure ; le duc, de son glaive, lui trancha la taille avec une telle force que le tronc tomba par terre, tandis que le cheval emportait les jambes et le siège. »

Carnage effroyable à Jérusalem

Quand, le mardi 7 juin 1099, les croisés parviennent sous les murailles de Jérusalem, commence un massacre extraordinaire, comme l’explique notamment Guillaume de Tyr : « Les princes, après avoir cruellement mis à mort dans les divers quartiers de la ville tous ceux qu’ils rencontraient sous leurs pas et ayant appris qu’une grande partie du peuple s’était réfugiée derrière les remparts du temple, ils y coururent tous ensemble, conduisant à leur suite une immense multitude de cavaliers et de fantassins, frappant de leurs glaives tous ceux qui se présentaient, ne faisant grâce à personne, et inondant la place du sang des infidèles ; ils accomplissaient ainsi les justes décrets de Dieu afin que ceux qui avaient profané le sanctuaire du Seigneur par leurs actes superstitieux, le rendant dès lors étranger au peuple fidèle, le purifiassent à leur tour par leur propre sang, et subissent la mort dans ce lieu même en expiation de leurs crimes. On ne pouvait voir cependant sans horreur cette multitude de morts, ces membres épars jonchant la terre de tous les côtés, et ces flots de sang inondant la surface du sol. Il était dès lors devenu impossible de marcher sur la terre ferme sans toucher un cadavre. Il régnait dans la ville une telle odeur qu’il était devenu impossible de respirer. […] La ville présentait en spectacle un tel carnage d’ennemis, une telle effusion de sang, que les vainqueurs eux-mêmes ne pouvaient être frappés que d’horreur et de dégoût. »

Le témoignage de Godefroi de Bouillon, s’adressant au pape, n’est pas moins effarant : « Si vous désirez savoir ce qu’on a fait des ennemis trouvés à Jérusalem, sachez que, dans le portique de Salomon et dans le Temple, les nôtres chevauchaient dans le sang des Sarrasins et que leurs montures en avaient jusqu’aux genoux. »

D’autres témoins encore corroborent le carnage : « Environ dix mille Sarrasins sont massacrés dans le Temple. Qui se fût trouvé là aurait eu les pieds teints jusqu’à la cheville du sang des hommes égorgés… Aucun des infidèles n’eut la vie sauve ; on n’épargna ni les femmes, ni les petits enfants… »

Aux massacres succédèrent les pillages, que décrit ainsi Foucher de Chartres : « Après s’être ainsi rassasiés de carnages, nos gens commencèrent à se répandre dans les maisons, et y prirent tout ce qui leur tomba sous la main. Le premier, qui qu’il fût, pauvre ou riche, qui entrait dans une habitation, s’en emparait, ainsi que de tout ce qui s’y trouvait, et en devenait possesseur comme de son bien propre […] La chose avait été convenue comme une loi qui devait s’observer strictement… »

Finalement, les croisés entrèrent au Saint-Sépulchre pour rendre grâce à Dieu et, le 5 octobre, découvrirent une partie des reliques de la Vraie Croix. Trop peu d’hommes restèrent pour assurer tant la défense des nouveaux États latins d’Orient qu’une victoire durable. L’ère des croisades n’était qu’entamée. Elle ne prendra fin qu’au XIIIe siècle, avec saint Louis.

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