Alfred Garnir « Le plus brave d’entre tous »

Alfred Garnir « Le plus brave d'entre tous »

Garnir, Alfred-Clément, naît le 15 mai 1887 dans le Hainaut, plus précisément dans le petit village minier de Dour. La carrière des armes le faisant rêver, dès ses études secondaires terminées, il endosse l’uniforme du 3e Chasseurs à Pied.  En 1909, il est sergent quand il entre à l’École Royale militaire pour en sortir sous-lieutenant en décembre 1912 et entrer au 2e Chasseurs à Pied, à Mons. Par contre, la vie de caserne, ce n’est pas ce qui amuse le plus notre Alfred. Il lui faut de l’action, et en temps de paix, l’action, il la trouve dans la course à pied, dans le sport, comme le lancement du poids, dans des parties de chasse. Mais ce n’est quand même pas assez, l’aventure coloniale le tente, là il trouvera son lot d’émotions.

La politique allemande va en décider autrement. La guerre éclate alors qu’il suit des cours destinés à le préparer à l’aventure congolaise. D’autres auraient été abattus, lui sent son cœur faire des bonds de joie.

On lui donne à commander le 1er Peloton de la 1re Compagnie du 2e Bataillon du 2e Chasseurs à Pied. Dès les premiers jours, Alfred est au premier rang pour «casser du boche». Il est des combats de Eppeghem, Kapelle-op-den-Bos, la Nèthe. À Oud-Stuyvekenskerke, on le voit, à la tête de son peloton galvanisé par son exemple, et malgré un puissant tir de barrage de pièces de 150, gagner la petite église du village et en chasser les Allemands. Garnir tire, comme au tir aux pipes. Les Allemands, en débandade, fuient. 

Exposé de cette manière, il ne peut échapper à une balle qui vient se loger dans son épaule droite et l’oblige à se retirer alors que comme il le dit, cela marchait si bien… Il n’est bien entendu pas absent longtemps. Il revient prendre sa place à la tête de ses hommes alors qu’il n’est pas guéri et qu’il n’en a pas reçu l’autorisation des médecins. Autorisation dont, au demeurant, il se fiche royalement, convaincu qu’il est que les planqués de l’arrière ne viendront jamais le chercher en première ligne.

Leur tranchée touchant presque celle des Allemands, Garnir et ses hommes reçoivent sans arrêt sur la tête tout ce qu’on peut imaginer comme engins explosifs, des plus classiques aux plus expérimentaux. Celui à qui la vaillance aussi bien que le mètre 92 valent le surnom de «Grand » rend la politesse aux assaillants en leur balançant à son tour des engins de son invention, en particulier des boîtes de conserves pleines de poudre et bourrées de mitraille, en quelque sorte les premières grenades belges. 

 Les Allemands qui le visent le ratant toujours, il dit souvent, pour expliquer un itinéraire, à ses camarades épouvantés, et sans se départir de son sérieux : « Il y a deux balles à passer et puis on est tranquille. » Passionné de photo, il fait tout pour avoir des clichés que personne d’autre ne pourra réaliser. Dès qu’il entend parler de l’apparition chez l’ennemi d’un nouvel engin de mort, il lui en faut un exemplaire.

On peut aussi le voir arpenter les avant-postes avec, sur l’épaule, une grosse mitrailleuse. Quand il juge l’endroit favorable, il pose son arme et arrose les positions adverses. En sa compagnie ou sous ses ordres, ses hommes n’ont peur de rien, ni de Satan et encore moins de ceux d’en face ! Son groupe de mitrailleurs est surnommé par tous l’« Invincible ».

 Et pourtant il va mourir, le 3 décembre 1917. Non pas en enlevant une tranchée à la baïonnette ni en lançant un assaut à coups de grenades. Non, c’est en vagabondant entre les lignes que séparent d’incroyables enchevêtrements de fils de fer barbelés que Garnir passe trop près de l’un d’eux et se fait une légère balafre sur la tempe. On connaît notre homme. Lui que les balles et les obus ne tracassent pas ne va tout de même pas s’inquiéter d’une simple égratignure, il reste à son poste.

Quand, enfin, il se décide à consulter, il est déjà trop tard. Le tétanos fait ce qu’aucun Allemand n’était arrivé à faire: il tue le Grand Garnir en quelques heures seulement. Ses décorations et ses citations ne sont rien à côté des larmes que versent les hommes du 2e Chasseurs à Pied.

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