4 août 1914 : les allemands atteignent la Belgique
Le général Leman, qui commande la position fortifiée de Liège en alerte depuis plusieurs jours devait savoir ce qu’il en était des troupes teutonnes. Où étaient-elles ? Par où arrivaient-elles ?
Dès le dernier jour de juillet, il charge le colonel Cumont, chef de corps du 2e Lanciers, de cette mission. Les lanciers étaient partis de Bruxelles, de leur caserne d’Etterbeek exactement, le 28, pour rejoindre Liège. Dès leur arrivée, le 31, ils commencent à patrouiller le long de notre frontière.
Le colonel Cumont, quand il rejoint ses soldats, est agréablement surpris par leur entrain: « Je trouvai le régiment sous les armes à ma descente d’auto, et ayant fait prendre place à l’étendard à mon côté, je haranguai ma troupe, lui faisant part des menaces qui pesaient sur notre Patrie. Ce fut aux cris enthousiastes de « Vive le Roi !» et de « Vive la Belgique ! » hurlés par tout mon régiment devant son étendard déployé, que je terminai en disant qu’il allait appartenir au 2e Lanciers d’avoir l’honneur suprême d’être le tout premier à attaquer l’ennemi… Minute inoubliable par la communion patriotique et l’enthousiasme général manifesté par mon régiment. Nous nous mîmes en route tout aussitôt avec la conviction qu’une heure glorieuse pour nous était proche.»
Dans la nuit du 2 au 3 août, le général Leman commande au 2e Lanciers de se porter en avant, car, selon certains renseignements, les Allemands auraient tenté de passer par le sud du Limbourg hollandais. Les lanciers doivent partir à sa rencontre et les repousser, mais toutes les patrouilles le confirment dans la journée du 3, aucun Allemand n’a encore violé notre territoire. Le 2e Lanciers peut regagner ses cantonnements.
Pourtant, on sait que dans la ville voisine d’Aix-la-Chapelle et dans plusieurs endroits le long de notre frontière règne une importante animation. Des milliers de soldats débarquent sans discontinuer de trains venant de partout en Allemagne. Un train chasse l’autre, les quais, pourtant agrandis ces derniers mois, peuvent à peine contenir tous ces hommes de troupe. Les wagons sont décorés de fleurs et portent des inscriptions comme « À Paris pour déjeuner! » ou encore « Voyage gratuit par Liège jusqu’à Paris ! »
Les Belges savent que l’attaque est imminente. Dans quelques heures, les six brigades du général von Emmich, passeront la frontière et marcheront sur la Cité ardente, avec un seul but, faire sauter le verrou que constitue la position fortifiée de Liège, l’ouvrir aux armées d’invasion qui vont suivre et profiter de la plaine belge pour, ensuite, se ruer sur la France et Paris.
Nous sommes au petit matin du 4 août 1914. Pas un coup de feu n’a encore été tiré chez nous, les Belges sont sur le pied de guerre, chaque homme est à son poste. Ce même jour, le Roi, après avoir prononcé au Parlement un discours désormais historique, rejoint le Quartier Général de notre armée de campagne à Louvain, d’où il envoie au Général Leman, la lettre suivante:
« Mon Cher Général,
Notre territoire est violé ; c’est la guerre. Avec votre division, je vous charge de tenir, jusqu’à la dernière extrémité, la position dont la garde vous est confiée.
Dans la lutte gigantesque qui s’annonce, vous êtes au premier rang. Le monde a les yeux fixés sur vous. Je vous connais, mon Général : avec votre inébranlable fermeté, avec des troupes dont le moral est si élevé, avec la conscience de la défense de notre juste cause, je suis certain que vous vous couvrirez de gloire. »
Albert Ier.
En ce jour du 4 août, le soleil est là qui annonce que la journée sera chaude, très chaude. L’armée teutonne, elle, a quitté ses gares et ses cantonnements. Elle est à nos portes, les routes et les chemins sont couverts de milliers de casques à pointe qui brillent dans le soleil. Le charroi est impressionnant: des che- vaux, de l’artillerie, des chariots de tous les genres et de toutes les grandeurs, une marée gigantesque. Une armée immense est à la porte de notre petit royaume. Elle attend l’arme au pied.
Les Belges vont-ils les laisser passer ? Leur roi n’est-il pas originaire de chez eux? Il est même colonel d’honneur d’un des régiments présents. Et puis, que peuvent-ils ces petits Belges avec une si petite armée, rien ou pas grand-chose. Quand bien même, ils refuseraient le passage ou se battraient un peu pour sauver l’honneur, ils seraient balayés comme des fétus de paille.
Aucun ne connaît encore la réponse négative de notre gouvernement et sa volonté de défendre farouchement le territoire.Soudain, un ordre claque dans le petit matin de cette superbe journée : « Vorwärts ! En avant ! »
Les Belges refusent, il va falloir se battre, les balayer, la frontière déserte est franchie… Notre 2e Lancier a, lui aussi, reçu des ordres. Dès l’aube, il a repris sa veille, et un de ses escadrons, le premier, avec à sa tête le capitaine Morisseaux, débouche sur le plateau de Herve. Il est à peine plus de 6 heures du matin
L’escadron s’arrête à Boland. Partout, nos cavaliers sont chaleureusement accueillis par les habitants. On a confiance, on les admire, c’est qu’ils sont im- pressionnants, juchés sur leur monture dans leur bel uniforme et puis, qu’elles sont effrayantes, ces grandes lances de bambou, ornées des couleurs nationales qui s’enfonceront dans le corps du premier ennemi rencontré !
Une fois sur le plateau de Herve, ils partent au galop dans toutes les directions, s’arrêtent au détour d’un chemin, passent à travers les champs et les vergers, demandent aux habitants s’ils ont vu quelque chose. Le bruit court que de longues colonnes de fantassins allemands, avec des canons, sont entrées en Bel- gique, vers 8 heures.
Ils doivent débusquer l’ennemi, repérer ses axes de pénétration et envoyer les informations à l’état-major grâce aux pigeons qu’ils ont emmenés. Un peloton est envoyé plus en avant encore, après le village de Battice vers la frontière. Il est commandé par un sous-officier sûr et comprend quelques hommes d’expérience. Parmi eux, le cavalier Fonck, un anonyme qui bientôt va entrer dans l’Histoire…