Depage « Le grand médecin »

Depage « Le grand médecin »

Antoine Depage naît dans une famille aisée et bourgeoise de Boitsfort le 28 novembre 1862. Le moins que l’on puisse dire, c’est que durant sa scolarité, il est tout sauf un élève discipliné. Il finit par s’inscrire à l’université. Il se retrouve donc, en 1880, sur les bancs des auditoires de médecine où, dans un premier temps, il brille par sa… médiocrité ! Tout change lorsqu’il suit les cours de chirurgie du professeur Thiriar. À partir de ce moment, il se passionne et obtient, en 1887, son titre de docteur en médecine avec la plus grande distinction.

Des travaux concernant l’intervention chirurgicale lui avaient déjà valu, en 1886, le Prix de la Société Royale des Sciences Médicales et Naturelles. Il est remarqué par ses pairs et l’un d’eux, en particulier, va se charger de parfaire sa formation: Paul Héger. Tout va alors aller en s’accélérant. 

À partir de 1895, il devient chef de différents services de chirurgie puis en 1912, il succède à son maître, le professeur Thiriar, comme professeur de chirurgie à l’Hôpital Saint-Pierre et est désigné comme professeur de pathologie externe. 

Signe prémonitoire: c’est lui qui, en avril 1914, est appelé à présider le IVe congrès de chirurgie à New York. Il aura l’occasion de parler de son expérience pendant la guerre turco-bulgare de 1912 et d’exposer à tous que le sort des blessés dépend avant tout des premiers soins apportés sur le front même des combats. 

La guerre de 14-18 va permettre à Depage de donner toute la mesure de son talent d’organisateur, car à cette date, le service de santé de notre armée est en dessous de tout. Dès l’attaque du 4 août, la reine Élisabeth demande à Depage de s’occuper des secours, rôle normalement dévolu à la Croix- Rouge. En quelques jours, Depage met sur pied tout un service et crée même au Palais Royal un poste de secours de 1000 lits qu’il dirige lui-même. Malheureusement, l’avance rapide des envahisseurs rendra inopérant ce centre.

Certains demandent à Depage de quitter la zone occupée pour rejoindre l’armée, en passant par la Hollande. Dès son arrivée, il se met au travail et en novembre 1914, il met sur pied un hôpital de 350 lits à Calais. Le front étant fixé le long de l’Yser, Depage veut absolument construire un hôpital accessible rapidement pour les blessés de nos tranchées. 

Sans se laisser démonter, en sachant qu’il bénéficie de la confiance du roi Albert, Depage, malgré les difficultés, crée, en décembre 1914, dans un hôtel réquisitionné situé sur la digue de la petite station balnéaire de La Panne, l’Hôpital de l’Océan. Des baraquements lui permettront de passer en quelques mois de 200 à 1200 lits.

En plus de l’obtention de son hôpital, Depage qui a le grade de colonel-médecin, veut absolument avoir autour de lui des chirurgiens capables qu’il veut pouvoir choisir lui-même parmi les jeunes médecins mobilisés et auxquels il ne veut pas qu’on puisse toucher, car il sait que seules des équipes expérimentées et soudées peuvent être efficaces.

Cette manière de voir les choses suscite l’opposition de certains médecins faisant partie de la hiérarchie militaire qui veulent désigner eux-mêmes les médecins, mais qui, surtout, sou- haitent un roulement entre les médecins des centres de secours de l’arrière et ceux des tranchées, afin de répartir les risques et les chances de survie.

L’hôpital de Depage devient une référence en matière de soins aux blessés de guerre. Il s’efforce qu’on y applique aussi les techniques de soins les plus modernes et qu’on les enseigne aux médecins et aux chirurgiens du front qui y suivent des formations. 

La réputation de Depage est à son apogée. Il ne s’endort cependant pas sur ses lauriers et continue à avoir un esprit visionnaire. Il se dit que, si les offensives reprennent, son hôpital sera trop éloigné du front et donc difficilement atteignable. Il se bat alors pour qu’on lui construise deux autres structures d’accueil à la limite du peu de territoire belge que nous tenons encore depuis le début du conflit. 

Depage avec cette initiative et la fin de la guerre est au faîte de sa gloire. Les distinctions honorifiques pleuvent de partout. Il devient membre correspondant de la Société de Chirurgie de Paris, Docteur Honoris Causa des Universités de Budapest et de Sheffield. La Société Belge de Chirurgie le fête au cours d’une séance exceptionnelle dans les salles de l’Hôtel de Ville de Bruxelles.  Il revient aussi en politique où il était entré en 1908, avec toujours des prises de positions avant-gardistes. Comble de l’absurde, ce grand chirurgien meurt le 10 juin 1925, à seulement soixante-trois ans, des suites d’une… opération.

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