On ne peut pas éternellement laisser le pouvoir vacant. Donc, en attendant que l’on ait trouvé « le » bon profil pour notre trône, le 24 février 1831, le baron Surlet de Chokier, président du Congrès, est élu Régent de Belgique. On parvient à nommer un homme, député de Hasselt depuis octobre 1830, qui ne s’est pourtant pas gêné de déclarer « qu’il ne voyait d’autre solution pour la Belgique qu’un rattachement pur et simple à la France ». Dans la même veine, Jean-Baptiste Nothomb le décrit avec beaucoup de tact comme « intelligent, spirituel et léger ; très égoïste et profondément sceptique ; incapable de ne rien faire parce qu’il n’a aucune foi politique, croyant à tout, excepté à la nationalité belge ; convaincu que les événements de 1830 amèneraient une guerre générale et que la Belgique irait définitivement à la France ».
Et nous, on nomme ce bonhomme à la tête du pays. Que lui accepte, on peut toujours se dire que les honneurs, ou les pensions (à l’époque ça se faisait beaucoup), ça vous change un homme ; en quelques semaines, ça vous fait passer de sentiments rattachistes vis-à-vis de la France à Régent. Mais que nos premiers hommes politiques, qui devaient le connaître, lui proposent ce poste, ça, par contre, ça laisse pantois… Un peu comme si le conclave, lors du décès du Pape, appelait, au trône de saint Pierre, le Grand Maître du Grand Orient de Belgique, de France, d’Italie ou d’ailleurs.
On peut aussi se demander ce qu’il pensait dans son for intérieur en disant à Léopold, pas encore Ier, mais tout juste, de prendre possession du trône lors de la cérémonie d’investiture, et la dose d’hypocrisie qu’il devait y avoir quand il déclare au nouveau monarque : « J’ai vu l’aurore du bonheur se lever pour mon pays, j’ai assez vécu ». Dans ce cas au moins, il disait vrai, car il quitta ce monde assez rapidement, en août 1839.