Silence ! On torture en Somalie
Depuis le début des années 90, la situation en Somalie fait fréquemment la une des journaux. Depuis la chute du régime du dictateur Siyaad Barre en 1991, c’est le chaos généralisé. La Somalie baigne en pleine guerre civile et la famine fait rage. Les États-Unis décident alors d’intervenir sous l’égide de l’ONU et lancent l’opération « Restore Hope ». Ils mobilisent pour cela leurs « pays amis », dont la Belgique qui répond à l’appel. Il faut dire que la chute du mur de Berlin en 89 a enlevé à beaucoup de nations l’ennemi contre lequel s’entraîner en vue d’un hypothétique conflit. Et comme un militaire sans conflit n’est pas un militaire, eh bien on prend ce qui passe.
Les premiers soldats belges arrivent dans la capitale somalienne, Mogadiscio, le 12 décembre 1992. Le 20, une partie de notre contingent, qui finira par compter au total jusqu’à 950 hommes, reçoit pour mission de se déployer, aux côtés des Américains, dans la ville portuaire de Kismayo pour y établir une tête de pont. Pas question pour notre armée de lésiner sur les moyens, le navire « Zinnia » et un ensemble de blindés légers sont engagés dans l’opération. Très rapidement les Américains laissent le port à la seule gestion des Belges. En 1993, l’opération passe sous le commandement des Nations Unies pour devenir l’Opération des Nations Unies en Somalie (ONUSOM). Mais malgré l’importance des forces en présence, 20 000 Casques bleus et 8 000 civils mandatés par l’ONU, la situation échappe toujours à tout contrôle. Pire : le 3 octobre 1993, les Américains mènent dans la capitale un raid héliporté qui doit permettre l’arrestation de dirigeants rebelles, mais qui tourne mal. Les forces rebelles parviennent à abattre deux hélicoptères de type « Black Hawk » et dix-huit GIs perdront la vie durant l’opération. Chez nous, six de nos soldats seront tués au cours de cette opération. À la mi-décembre 1993, nos hommes rentrent mais, avant cela, passent la main à un contingent de Casques bleus indiens. Les Américains quitteront la Somalie le 31 mars 1994 et les derniers Casques bleus le 2 mars 1995.
Cette opération n’aurait plus jamais dû faire la une de l’actualité si ce n’est qu’au printemps de l’année 1997, on reparle des « exploits » de nos paras en Somalie.
Des clichés « souvenirs » pris lors de cette opération « Restore Hope » commencent à circuler dans la presse belge. Et loin de montrer nos troupes rendant un quelconque espoir aux Somaliens, ce sont des scènes de tortures, d’humiliations et de souffrances que montrent ces photos. Ici on voit des parachutistes belges uriner sur un prisonnier, là un jeune Africain est maintenu de force au-dessus d’un feu.
Une enquête est diligentée et révèle des actes loin, très loin de l’humanitaire. On apprend notamment que certains de nos paras forcèrent un enfant musulman à avaler de force de la viande de porc, puis le firent vomir en lui faisant boire de l’eau salée et enfin l’obligèrent à ré-ingurgiter ce qu’il venait de vomir. Pire encore, un sergent a offert à un groupe d’hommes sous ses ordres une jeune Africaine mineure comme cadeau d’anniversaire ; la jeune fille fut violée par deux paras, après avoir dû danser nue sur une table. Il s’avère aussi que le même sergent ne trouva rien de mieux à faire que d’attacher un jeune garçon à l’arrière d’un camion et de le faire traîner sur la route.
Les clichés ayant fortement choqué l’opinion publique, on attendait des peines exemplaires pour ces tortionnaires, mais… ce ne fut pas le cas. Si le sergent vit sa peine de trois mois de prison transformée en douze, dont la moitié avec sursis, en appel, tous les autres protagonistes, même ceux qui avaient abusé de la jeune fille, ne furent pas sanctionnés… On qualifia de « représailles déplacées » l’affaire du garçon tiré en camion et d’» acte isolé qui ne doit pas gêner la poursuite de la carrière de ces hommes » pour l’épisode de la viande de porc. Il faut croire que les conventions européennes signées par la Belgique, et donc ayant force de loi, qui précisent que nul ne peut être torturé ou soumis à des traitements dégradants ou inhumains, ne sont pas d’application pour nos soldats.