Quand les Belges chauffaient Paris
Au début du XIXe siècle, le charbon en provenance de Valenciennes et de ses environs n’est plus suffisant pour alimenter Paris. Ce bassin houiller, situé dans le prolongement du Borinage belge, est le plus ancien de la région. Il est créé avec la découverte du charbon à Fresnes-sur-Escaut, vers 1720, et les premiers puits à Anzin en 1734.
Ce n’est cependant que sous la Monarchie de Juillet - appelée aussi « Les Trois Glorieuses » -qu’on assiste à une révolution industrielle et à une exploitation intensive du charbon, notamment dans la région Nord-Pas-de-Calais, suite aux émeutes révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet 1830 et le choix du duc d’Orléans, Louis-Philippe. Si la production globale de houille atteint à un moment cinq millions de tonnes, elle ne suffit cependant pas à couvrir les besoins. Il faut donc bien s’approvisionner ailleurs notamment pour alimenter la capitale, Paris, la Ville Lumière.
On se tourne évidemment vers le Nord et la Belgique. Le bassin minier de Charleroi est tout désigné pour pallier ces carences. Mais, comment acheminer le charbon carolo vers Paris ? Une loi (101, article 232), promulguée par Louis-Philippe le 30 avril 1833, crée une société - une des premières à être cotée à la Bourse de Paris - qui doit assurer le creusement d’un canal de jonction entre la Sambre et l’Oise.
La Sambre prend sa source en France, près de Nouvion-en-Thiérarche sur le plateau de Saint-Quentin. En France elle traverse des villes comme Maubeuge et Jeumont et en Belgique des villes comme Lobbes, Thuin, Charleroi, Sambreville pour se jeter, après un parcours de 190 kilomètres, dans la Meuse à Namur. L’Oise, elle, prend sa source en Belgique dans l’ancienne commune de Forges près de Chimay. Presque entièrement navigable, elle traverse des villes comme Hirson, Guise, Compiègne, Creil, Pontoise pour se jeter, après un parcours de 341 kilomètres, dans la Seine à Conflans-Sainte-Honorine. Elle a donné son nom à deux départements : l’Oise (60) et le Val d’Oise (95).
Un canal de jonction entre la Sambre et l’Oise est donc tout indiqué pour relier Charleroi à Paris. La loi sur la création de ce canal étant parue le 10 mai 1833, il faut désigner les administrateurs de la société qui en ont obtenu la concession.
Parmi ceux-ci, on retrouve le baron James de Rothschild et le comte Ferdinand de Meeûs. James de Rothschild (1792-1868) est issu de la célèbre famille d’origine juive allemande qui a eu une activité très importante en France. Le fondateur de la puissance financière de la famille est Meyer Amschel (17431812). La branche parisienne est créée par son fils James qui se fixe à Paris en 1817, où il est successivement banquier de Louis XVIII, de Charles X et de Louis-Philippe qui le nomme grand officier de la Légion d’honneur. Sous l’impulsion de James, les Rothschild obtiennent le premier rang dans le placement des emprunts d’État. Leur position se renforce encore sous le Second Empire. Signe qui ne trompe pas, c’est au bras de James que la future impératrice Eugénie fait son entrée au bal des Tuileries en janvier 1852. Ferdinand de Meeûs (1798-1861) est quant à lui surnommé le Rothschild de la finance belge. Il est nommé, à l’âge de trente-deux ans, gouverneur de la Société générale de Belgique le 14 octobre 1830 par le Gouvernement provisoire. Il le restera jusqu’à la fin de sa vie. La Société générale a été, sans doute, la plus importante société que la Belgique ait jamais connue.
À la demande expresse du Roi Léopold 1er, Ferdinand de Meeûs s’associe aux Rothschild pour émettre les premiers emprunts de la Belgique indépendante. Sous l’impulsion de Ferdinand, la Générale acquiert des participations dans tous les secteurs clés de l’industrie belge : charbonnages, sidérurgie, verrerie, transports. Un tiers de la production charbonnière du pays et un quart de la production industrielle dépendent directement d’elle.
Les travaux du canal de la Sambre à l’Oise débutent en 1834 et le canal est ouvert en 1839.
Les Parisiens vont avoir… chaud !