Dès le départ, c’est foutu. Pour Jules César, nous sommes, de tous les peuples de la Gaule, les plus braves. Mais, car vous pensez bien, il faut un « mais », car les ratés et les conneries ne viennent pas comme ça, il faut un socle, un terroir, on apparaît donc dès le début dans l’Histoire et les manuels scolaires comme les plus « braves », parce que les plus éloignés des raffinements et de la civilisation (…) et que les marchands, venant rarement chez nous, ne nous apportent pas ce qui contribue à « amollir les cœurs ». De plus, avec nos voisins – les Allemands de maintenant, les Germains de l’époque –, nous sommes continuellement en guerre. Mais là aussi, comme plus tard en 1914 et en 1940, sans se préparer, sans stratégie, sans même aucune prudence. Des fonceurs, mais disons un peu crétins… Ces propos n’engagent que César, bien entendu…
Voilà donc le portrait qui nous fait entrer dans l’Histoire. Avouez, on aurait pu mieux faire… À se demander pourquoi les premiers révolutionnaires brabançons déjà, puis ceux de 1830, qui avaient quand même un minimum de culture latine, ont opté pour le nom de Belges ? Bien entendu le nom est ancien et nous est appliqué depuis des lustres, mais quand même, ils n’avaient rien d’autre sous la main ? Convenons-en, c’est certainement la première de nos conneries officielles, nous choisir ce nom directement lourd à porter. Vous en connaissez, vous, des peuples qui vont se chercher un nom qui est, pour un des hommes les plus célèbres de la planète (le grand Jules), synonyme de « sauvage » ou de « mal dégrossi » ? Vous imaginez des révolutionnaires français se choisir le nom de « beaufs » (Hourra, en avant les Beaufs ! Pour le pays des Beaufs, à l’assaut !), les Hollandais luttant contre Philippe II avec sur leur bannière « Kaaskop »… ou les Allemands créant leur empire en se donnant du « FritzLand ». Non, bien entendu, mais nous… oui ! De toute façon, à cette époque, on commençait déjà à s’habituer aux erreurs. On allait demander notre rattachement à la République française, en s’imaginant que les gars de Paris, qui avaient guillotiné à tout-va, allaient débarquer, chasser les Autrichiens, libérer notre bon peuple sans rien vouloir en échange et surtout sans rien prendre au passage. C’était bien naïf et bien entendu, on n’a pas rigolé tous les jours sous le règne des révolutionnaires puis du petit Corse.
Le drapeau belge en 1830
Par la suite, on a continué. On n’a, par exemple, pas été fichu de se faire entendre lors du partage de l’Europe, à croire que tous ceux qui voulaient être indépendants en 1830 n’existaient pas en 1815 ou naissaient à peine.
À voir l’âge de ceux qui siégèrent dans nos premières assemblées, on peut se dire que non, ils étaient déjà bien là. Mais sans aucune velléité d’indépendance, rien. On nous colle aux Bataves. On ne savait pas que ces gens du Nord parlent une autre langue que le français et que nos patois flamands, et que de surcroit ils sont protestants ? Non peut-être…
Mais où étaient-ils, nos révolutionnaires de 1830, quinze ans auparavant ? Pourquoi n’ont-ils pas fait entendre leurs voix à la table des négociations et discuté de nos particularités ?
Où étaient-ils, ces Liégeois si fiers de leurs mille ans d’indépendance (ou presque), les Bruxellois qui feront le coup de feu devant le Parc royal, les Flamands catholiques ?
Il va nous falloir quinze longues années pour nous apercevoir que ce peuple a des différences avec nous… Pas rapides à la détente, nos ancêtres du début du XIXe… Ce devait être visible pourtant, pour qu’un simple préfet, l’ancien de Bruxelles justement, le marquis de La Tour du Pin, écrive en 1814 : « Ce mariage de convenance s’est fait sans aucun amour de part et d’autre, et il est douteux qu’il ne fera le bonheur d’aucune des deux parties… »