Margot la Hennuyère, la première sportive dont l’histoire a retenu le nom
Nous ne sommes ni à Wimbledon, ni à Roland-Garros et encore moins au XIXe siècle. Nous sommes au XVe siècle et Margot Hennuyère, une tenniswoman, va marquer l’histoire.
Cette Justine Henin du Moyen Âge tardif, née vers 1397, fut une fabuleuse joueuse de Jeu de Paume si l’on en croit le « Journal d’un bourgeois de Paris » (de 1405 à 1449) qui nous relate ainsi ses exploits :
« En cette année 1427, vint à Paris une femme nommée Margot, assez jeune, comme de 28 à 30 ans, qui était du pays de Hainaut, laquelle jouait le mieux à la Paume qu’oncques homme eût vu, et avec ce, jouait devant main derrière main très puissamment, très malicieusement, très habilement, comme pouvait faire un homme, et peu venaient d’hommes à qui elle ne gagnât, si ce n’étaient les plus puissants joueurs ».
Le Jeu de Paume s’est d’abord joué avec la paume (gantée au XIIIe siècle), d’où son nom. On le pratique, à ses débuts, en plein air puis en salle (à partir du XIVe siècle) avec déjà un filet.
On commence, par après, à utiliser un battoir (style tennis de table) remplacé au début du XVIe siècle par une raquette en cordage de chanvre.
Les jeux de pallone (balle frappée avec un gantelet de fer) et de paume (balle frappée avec la paume de la main, puis avec une raquette) sont déjà attestés au XIIIe et XIVe siècles, c’est-àdire au moment du grand essor urbain européen. À l’époque, il existe presque autant de règles qu’il y a de lieux de pratique. Il faut d’ailleurs attendre l’année 1555 pour que le prêtre italien Antonio Scaino tente de mettre un peu d’ordre dans toute cette confusion. Le XVIe siècle peut être considéré comme l’apogée de la « courte paume » : quarante jeux existent à Orléans au moment où Rabelais y fait ses études tandis que Paris en compte probablement 250 sous Henri IV. C’est sans doute à cette époque que s’opère la distinction entre « courte » et « longue » paume, celle qui se joue en intérieur (devant une cinquantaine de spectateurs maximum) et celle qui se pratique en extérieur.
À la campagne et dans les faubourgs on joue à la longue paume, sur de grands terrains. Cette pratique se maintient jusqu’à la fin du XIXe siècle, en Picardie notamment. En ville, ces jeux d’étudiants et de jeunes novices créent des troubles à l’ordre public, ce qui explique peut-être que des investisseurs ont alors construit des salles couvertes. De son côté, la noblesse transforme la paume en une nouvelle forme d’harmonie corporelle où elle peut faire démonstration de sa force, de ses prouesses, mais aussi de sa promptitude et de sa souplesse.
Au XVIe siècle, la paume devient incontestablement le jeu des princes d’Europe, notamment des princes français. Des salles de courte paume surgissent alors dans les châteaux de la Loire, et dans la capitale et ses abords. On se prépare à la guerre par un tel entraînement : certaines pratiques peuvent s’apparenter à de l’escrime et tout un vocabulaire technique est commun aux « deux armes ».
Connu comme le Vert galant, Henri IV est aussi le roi-paumier par excellence. Et s’il a conquis son royaume face aux Grands, ce n’est pas seulement par la supériorité de ses armées, mais également parce qu’il a su imposer sa puissance physique. Dans ses discours de propagande, qui visent à fidéliser le peuple parisien, il est dit qu’il lui arrive même de jouer à la courte paume contre des roturiers.
La popularité de la paume s’explique par le fait qu’elle se prête fort bien au pari. L’issue des résultats est, en effet, toujours incertaine. Les « tripots », qui sont à la fois des salles de paume, des maisons de jeux et de paris, des tavernes et des lieux de prostitution, ne désemplissent pas. Le jeu est progressivement régulé, façonné par des règles, notamment pour éviter les controverses et les rixes. Les salles de paume font partie de ces lieux où la loi du roi n’est pas respectée.
Le jeune Louis XIV est le dernier Bourbon-paumier. L’étiquette à la cour ne peut plus s’accommoder, en effet, d’un souverain en débraillé, suant et transpirant, jusqu’à pouvoir être mis en échec. Louis XIV remplace la paume par des jeux de société, comme le billard et le loto. Dès lors, par un effet de domino, la grande puis la petite noblesse se retirent d’une pratique jugée comme dépassée.
Les salles de paume sont alors reconverties en salles de théâtre. Molière y fait ses premières sorties. La salle du jeu de paume de la rue Thubaneau à Marseille, fouillée par l’Inrap, constitue un cas exemplaire : elle est transformée en théâtre, puis en salle de concert, et enfin en hammam. Malgré un retour de la paume sous le Second Empire, ce n’est plus qu’un long déclin : trois salles de jeu de paume ont survécu à Fontainebleau, Paris XVIe et à Bordeaux, avant la naissance récente de deux clubs dans le Sud-Ouest à Pau et à la Bastide-Clairance.
N’oublions pas que la France révolutionnaire et républicaine ne peut guère récupérer l’héritage du « jeu des rois ». Les élites de la Belle Époque n’ont plus qu’à se tourner vers la mode anglaise du tennis.