Des tours pour déposer les enfants abandonnés...
Au XIXe siècle, de nombreuses familles se trouvaient dans un dénuement si extrême qu’elles étaient incapables d’élever leurs enfants et abandonnaient leurs nouveau-nés, le plus souvent devant les portails ou dans des porches d’églises, où les courants d’air réduisaient d’autant plus leur espérance de vie. En 1805, la Ville de Bruxelles en secourut 3 000, soit 85 % des enfants abandonnés dans le département de la Dyle.
En 1811, un décret impérial imposa à l’Assistance Publique de toutes les villes belges de créer des « tours » pour recueillir discrètement les bébés, de manière à garantir l’anonymat du déposant et à prévenir le risque d’infanticide. Une lanterne rouge signalait l’édifice. Il suffisait de tirer une corde qui actionnait une sonnette et une niche s’ouvrait dans le mur. La mère y déposait, dans un cylindre, son bébé emmailloté de chiffons, le plus souvent âgé de quelques semaines. Ensuite elle tirait à nouveau sur le cordon et le tour se refermait. Tous les détails possibles étaient notés scrupuleusement dans un registre par un employé : l’endroit et l’heure du dépôt, le sexe de l’enfant, le type de chiffons qui l’enveloppaient, les éventuels signes de reconnaissance laissés à dessein, au cas où la mère réclamerait son enfant plus tard, quand ses moyens financiers le lui permettraient. Par exemple, un morceau d’étoffe ou de carte à jouer, un papier portant des initiales… L’employé de l’état-civil donnait un nom et un prénom au bambin, puis inscrivait les frais qu’il occasionnait à l’institution ou aux parents adoptifs, soit au moins 40 F l’an. Les frais de funérailles coûtaient 1,80 F. Les enfants trouvés dépassaient rarement l’âge de deux ans.
De 1812 à 1823, la Ville de Namur ouvrit, elle aussi, un tour, à l’hospice Saint-Gilles, puis décida de le supprimer, parce que le système profitait à trop d’étrangers. Celui de Tournai accueillit 1 226 enfants de 1820 à 1836. Quand ensuite il ferma, le nombre d’enfants recueillis à Lille augmenta, comme par hasard…
De 1811 à 1815, la « boîte aux lettres aux nouveau-nés » de Bruxelles apparaît comme un moyen dérisoire, car le taux de mortalité des nourrissons est catastrophique dans la capitale. Dans le deuxième quart du siècle, le tour ne fut plus accessible que six heures par jour, après qu’on se fut aperçu que tous les nourrissons n’étaient pas originaires de la ville. Comme la mesure s’avéra vaine, en 1852, les autorités urbaines décidèrent de le faire surveiller par la police, précaution tout aussi inefficace, qui aboutit en conséquence à sa suppression, en 1857.