Défendre le flamand, la grosse manipulation !
Les Flamands se rendent-ils compte qu’ils ont en fait été manipulés ?
L’Église a tout fait pour empêcher l’unité linguistique, que ce soit de la Belgique ou de la Flandre. Le monarque des PaysBas avait voulu unifier l’ensemble de ses territoires en imposant l’usage obligatoire du néerlandais dans l’administration et dans la justice de son Royaume. Il n’y arrivera pas, à cause de la révolution, de nos jeunes intellos, mais aussi, et on l’oublie souvent, c’est qu’il va trouver face à lui un adversaire de poids qui va profiter au maximum de cet épisode en l’exploitant pour son compte et en étant de ce fait certainement réellement à la source de l’impossibilité de créer une vraie Belgique unie. C’est à cet adversaire que nous devons encore aujourd’hui une bonne part de nos difficultés, tout cela au titre d’une forme certaine d’obscurantisme : j’ai nommé l’Église catholique pas encore belge, mais « de nos régions », aidée en cela par les grands bourgeois et la noblesse flamande.
Le recensement de 1848 révèle qu’à ce moment, seuls 10 à 15 % de la population belge utilisent le français pour communiquer ; l’immense majorité de la population de notre pays parle son dialecte, soit flamand soit wallon. Cette minorité de francophones réside aussi bien en Flandre qu’en Wallonie ou à Bruxelles, et se retrouve essentiellement dans la bourgeoisie et la noblesse, c’est-à-dire chez ceux qui ont le pouvoir. La langue flamande n’a pas survécu parce qu’il y avait un mouvement culturel fort ou parce qu’elle était internationale. Non, pour tout ça, il y avait le français, utilisé à la fois par ses intellectuels, ses artistes et par ses dirigeants.
Elle n’a survécu que de manière « négative » pour s’opposer à une ouverture sur le monde. L’Église était bien entendu opposée au protestantisme et pour elle, un bon moyen de le combattre et de garder ainsi la mainmise sur ses ouailles, c’était de conserver une population divisée par la multiplicité de ses parlers régionaux. Les dirigeants de Flandre étaient eux aussi bien entendu intéressés, car arrêter le néerlandais et garder en Flandre un grand nombre de dialectes, c’était aussi garder la mainmise sur l’émancipation du peuple. Ce petit peuple flamand, on le garde sous sa coupe en le privant d’abord du néerlandais des Pays-Bas, puis du français et des idées libérales et révolutionnaires venues de Paris. On n’allait tout de même pas faire de la Flandre un pays de révolutionnaires comme ces Wallons toujours prompts à s’enflammer !
Nos voisins devraient quand même savoir que ce ne sont ni des évêques venus de Liège, ni des patrons venus de Charleroi qui ont imposé quoi que ce soit. Mais de bons Flamands nés sur leur sol, présents depuis des générations. Un jour pourtant, le petit ouvrier et le petit paysan flamands se sont réveillés et s’en sont pris non pas à leur élite, mais à l’État belge « francophone » et aux Wallons, en oubliant le rôle de leur clergé, de leurs dirigeants et de leurs politiques, presque tous de langue et de culture françaises.
Et même leur sacro-saint symbole, cette fameuse bataille des éperons d’or (précédée des Matines brugeoises), c’est déjà à l’époque le même problème au sein de la Flandre : une division entre les bourgeois tenant de la France et de son roi (de France également) coupée du peuple qui, lui, est du parti du comte de Flandre Guy de Dampierre (Gwijde van Dampierre in het vlaams, aub).
Un combat de toute façon perdu
Les Flamands ne veulent pas ou plus reconnaître que la langue française a joui chez eux, pendant plus d’un millier d’années, d’une diffusion qui en faisait ouvertement pour ainsi dire la langue maternelle de toute personne cultivée : lui faire la chasse et travailler à l’exterminer, comme s’y emploient certains, est une absurdité et une forme d’hypocrisie. Ce combat ne réussit d’ailleurs qu’auprès de gens simples, la bourgeoisie et les dirigeants n’ont rien changé. Il suffit de se rendre sur presque n’importe quel terrain de hockey sur gazon en Flandre, que ce soit dans les environs d’Anvers ou de Courtrai, le samedi matin, pour n’entendre, pour ainsi dire, que parler le… français.
Autre petite question : que serions-nous devenus si, de part et d’autre de la frontière, nous avions gardé l’ensemble de nos patois, tant flamands, que wallons ou bruxellois. Pour information, après un siècle d’enseignement obligatoire du néerlandais, la Flandre n’est pas encore parvenue à normaliser les différents patois flamands, restés très vivants. Il existe un néerlandais (administratif) et des patois des Flamands parlés par la population. Cerise sur le gâteau, les premiers à l’avoir compris sont les Hollandais eux-mêmes qui organisent officiellement, dans leur enseignement supérieur, les cours pour un grand nombre de matières en… anglais.
Imagine-t-on un patron de PME de Virton rédiger un bon de commande en gaumais pour un industriel de l’ancienne Principauté parlant le wallon de Liège, devant à son tour sous-traiter à un Tournaisien… en picard et qui après devrait faire appel à un distributeur brugeois en westvlaams et à une société de transport basée à Anvers en Antwaarps. Le tout avant de stocker une partie de sa marchandise à Bruxelles auprès d’une société fonctionnant en marollien !
En plus, vous imaginez le bonheur pour nos enfants : une langue pas « en moins » à apprendre, mais la possibilité d’apprendre une autre langue que le néerlandais, une autre langue parlée, elle, par un grand nombre de personnes.
À quoi cela sert-il, quand on n’est pas belge, de perdre six à dix années à apprendre le néerlandais, alors que le moindre habitant des Pays-Bas d’Afrique du Sud, du Suriname (ceux-là je connais) d’Aruba, de Bonaire, de Curaçao, de Saba, de SaintEustache, de Sint Maarten, (j’avoue que là je situe beaucoup moins), quel que soit le motif de votre visite, vous recevra dans un français ou un anglais parfait ?
Imaginez votre enfant rentrant chez vous en vous disant qu’il veut ou (pire) qu’il doit étudier les six prochaines années le tigrigna, une langue pour laquelle j’ai le plus grand respect (dont j’avoue ne pas connaître le moindre mot), qui est parlée en Éthiopie, et en Érythrée. Vous lui diriez de bien réfléchir (si vous êtes d’un naturel calme) et vous sortiriez l’argument imparable qui est que ces gens parlent certainement… l’anglais s’ils font des affaires (sauf bien entendu s’il a une âme de missionnaire ou qu’il a décidé d’être le responsable permanent du camp de Médecins sans Frontières… Et encore…). Nous, depuis des années, nos enfants doivent « se farcir » une langue que personne ne parle vu que les Flamands d’un certain âge parlent tous français et leurs enfants, comme les Hollandais, parlent l’anglais. Mais voilà, en Belgique, du moins à Bruxelles, il faut continuer à se dire que le néerlandais est ab-so-lu-ment né-ces-sai-re (bien découper les syllabes en haussant le ton) pour décrocher un emploi.
Que ne perd-on comme argent sur les marchés internationaux en ayant dans notre bagage une langue qui, même à la Vlaamse Kust (où tout le monde parle français), ne nous sert absolument à rien ? Le seul endroit où on devrait l’apprendre, c’est dans l’hôtellerie ardennaise parce que là, la clientèle étant en grande majorité du Nord du pays et des Pays-Bas, la moindre des politesses serait d’accueillir nos visiteurs dans leur langue. Pour le reste… De toute façon, un autre phénomène mettra tout le monde d’accord dans les décennies à venir, c’est… l’anglais. Le phénomène sera le même, mais là, les patrons, les décideurs basés à New York, Hong Kong ou Beijing nous parleront en anglais et ce sera à prendre ou à laisser…