Charles Quint (1519-1556)

Charles Quint (1519-1556)

Né à Gand le 24 février 1500, Charles Quint hérite successivement du royaume de Bourgogne à la mort de son père, Philippe Ier, roi de Castille, en 1506 ; du royaume d’Espagne et de ses colonies d’Amérique à la mort de son grand-père maternel Ferdinand V, en 1516, et des possessions des Habsbourg en Europe centrale en 1519, à la mort de son grand-père paternel, Maximilien Ier, date à laquelle il devient empereur germanique. Epuisé par des luttes constantes, Charles Quint cède entre 1555 et 1556 les Pays-Bas et l’Espagne à son fils Philippe II, abdique en 1556 en faveur de son frère Ferdinand Ier, pour se retirer dans un monastère en Espagne, où il meurt en 1558.


Creuse sa tombe avec ses dents

La gourmandise de l’empereur est effrayante. Il s’empiffre plusieurs fois par jour, au point de souvent vomir. Il ne mâche pas la viande, il l’avale, comme toute autre nourriture, parce que sa dentition est dans un état déplorable. Cette voracité le détruit, mais il ne fait rien contre elle. Un valet, scandalisé par ce manque de volonté, témoigne à la fin de sa carrière : « Les rois ont l’air de croire que leur estomac est différent de celui du commun. Allez faire entendre raison à un glouton de cette sorte, un obstiné qui refuse d’obéir à ses médecins ! La goutte elle-même – qui le fait souffrir atrocement dès l’âge de 29 ans – ne lui sert pas de leçon et il en mourra. L’empereur préfère grelotter de fièvre sous une double courtepointe, se tordre les membres de douleur plutôt que de renoncer aux six plats de son menu, épicés, salés à emporter la bouche, mouillés de bière, arrosés de vin. Et l’on ne peut même point lui supprimer la boisson. Il faut bien qu’il s’aide d’un liquide pour avaler une nourriture qu’il ne peut plus mâcher, faute de dents. »

Aussi, Charles Quint est atteint de quantité de maux : essoufflements, hémorroïdes avec pertes de sang, langue gonflée et bouche enflammée au contact des mets très sucrés ou très épicés qu’il affectionne et qui l’incitent à ingurgiter toujours davantage de boissons alcoolisées. Au printemps, il ne se nourrit que de fruits, ce qui le guérit. Mais comme sa sœur Médina de Pomar lui offre aussitôt après un festin au cours duquel il engloutit une quantité de thon, le remède perd toutes ses vertus et il retombe malade. Il est particulièrement mal en point après la mort d’une autre sœur, Eléonore, en 1558. Malgré tout, il engouffre hareng salé, poisson à l’ail, massepain et gaufres, dont il ne peut se passer. Mais ce n’est pas sa goinfrerie qui l’emporte, directement en tout cas. En août, il est pris de violentes quintes de toux et meurt le 21 septembre, en prononçant cette dernière parole : « Ya es tiempo ! » (« Il est temps ! »). Certains ont vu dans ce goût immodéré pour la bonne chère une compensation à son inhibition à l’égard de la belle chair… N’en déplaise aux amateurs d’anecdotes graveleuses, ce n’est en effet sûrement pas dans ce domaine que nous pourrons enrichir notre propos sur l’empereur !


Angoissé de solitude

Dès sa petite enfance, Charles ne peut souffrir la solitude. Au point que, dans sa jeunesse, son tuteur, Guillaume de Croÿ, doit dormir la nuit dans un lit voisin du sien, pour le rassurer lorsqu’il se réveille en plein cauchemar. Au crépuscule de sa vie, quand il se retire à San Yuste, c’est un secrétaire qui se charge de la besogne et doit lui faire la lecture lorsqu’il est pris d’insomnie, ce qui arrivait fréquemment. Au dire d’ecclésiastiques impertinents, les psaumes s’avéraient de bien meilleurs somnifères que les épopées de chevalerie…

Petit-fils sadique

Quand, le 16 octobre 1556, Charles Quint arrive en vue de Valladollid, pour aller prendre sa retraite à San Yuste, lui et sa suite sont accueillis par Don Carlos, fils de Philippe II, alors âgé de 11 ans. L’empereur est stupéfié par ce petit-fils au vilain physique qui porte déjà en lui le vice de la cruauté. Son plus grand plaisir est le spectacle de la bastonnade, dont il ne se lasse pas. Son occupation favorite est de faire griller longtemps des lièvres après les avoir longuement torturés.


Crise mystique

À la fin de sa vie, quand sa mauvaise santé l’accable, l’empereur est saisi de crises mystiques et de phantasmes morbides. Il psalmodie avec les moines les hymnes du missel et s’inflige en secret la discipline. Son martinet, teinté de sang, retrouvé après sa mort, en fait foi. On a même prétendu qu’il a parodié ses propres funérailles, lui-même couché dans un cercueil. Mais ici, les preuves manquent.

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