Avant indépendance = après indépendance
Effectivement le temps des réjouissances de l’indépendance nouvellement acquise est de courte durée. Le 5 juillet, le lieutenant-général Janssens, qui commande toujours la Force publique, fait comprendre aux éléments congolais de son armée que pour lui rien n’a changé. Il écrit sur le tableau du quartier général : « Avant indépendance = après indépendance ».
L’attitude de Janssens a pour conséquence que des troupes de la Force publique se mutinent contre leurs officiers blancs, et surtout contre leur ministre de la Défense, Patrice Lumumba, qui a fait des promesses électorales qu’il ne peut tenir.
Cette rébellion crée un mouvement de panique au sein de la population européenne qui se traduit par un retour en masse vers l’Europe. Le 6 juillet, Lumumba retire son commandement à Janssens et nomme à sa place un ancien adjudant de la Force publique, secondé par un sergent inconnu du nom de Joseph Désiré Mobutu. Il a pour mission de rassembler ce qu’il reste de la Force publique pour former l’Armée Nationale Congolaise (ANC).
Était-ce de la pure bêtise de la part de Janssens, des relents d’aigreur ou une volonté délibérée de choquer pour pousser à la révolte et ainsi nous donner la possibilité d’intervenir militairement ? Quelle qu’en soit la raison, les résultats sont là, les émeutes éclatent et nous faisons notre retour en force dans notre ancienne colonie sous prétexte d’assurer la sécurité de nos concitoyens. L’opération Mangrove est lancée. Le but de l’opération n’a pas l’air de venir essentiellement en aide à la population des Belges, mais plutôt de reprendre le contrôle du port pétrolier de Matadi et de rétablir le fonctionnement de la ligne de chemin de fer vers Léopoldville.
Avant d’atteindre ces objectifs, nos soldats neutralisent le camp Redjaf de la Force publique à Matadi. Et alors qu’on aurait pu croire que notre armée, occidentale et entrainée depuis quinze ans à faire face à une éventuelle agression communiste, viendrait rapidement à bout du rassemblement de mutins que constituait leur adversaire, il n’en est rien. Face à la résistance qu’ils rencontrent, nos combattants sont contraints de renoncer à prendre cet objectif et l’opération se solde par un échec qui ridiculise notre contingent aux yeux du monde entier. Le gouvernement congolais, considérant l’attaque comme une agression, lance un appel à l’aide à l’ONU qui invite la Belgique à retirer ses troupes et envoie à partir du 16 juillet des détachements de Casques bleus