1847, déjà le début de la fin de l’État belge
À partir du moment où comme en Wallonie, en Flandre on n’embraie pas sur le français, tout est dit le 6 novembre 1847 quand est publiée à Gand la Déclaration des principes fondamentaux du Mouvement flamand : « En francisant tout et en éliminant le flamand des administrations et même des institutions d’enseignement, les sources vives de la science et de la civilisation flamandes ont été taries. Dans la progression des siècles, le peuple flamand a été condamné à rester à la traîne. Cette humiliation, cette injure à notre dignité nationale, cet abâtardissement de nos coutumes ancestrales, cette animosité témoignée envers notre langue maternelle, ce danger qui menace l’existence de notre patrie, nous voulons que tout cela cesse ou, du moins, nous voulons combattre tout le mal qui en découle, avec l’espoir qu’un jour, la haute administration sera suffisamment équitable et courageuse pour détruire toutes les raisons justifiées de haine et de discorde qui séparent nos deux peuples. »
Tout ce qui viendra après est ici ; le reste, les presque deux siècles suivants, ne seront que la transposition, ou la réalisation de ce texte qui contient déjà tout le mouvement flamand en germe : la soi-disant francisation forcée des Flamands (fausse, elle est du fait de leur bourgeoisie et de l’Histoire de l’Europe), l’existence de deux peuples, l’animosité qu’on leur porte, leur humiliation (certainement un peu vraie, car l’emploi se trouvant en Wallonie alors que la pauvreté et le chômage sévissaient en Flandre, un grand nombre de Flamands s’expatriaient chez nous et ils ont certainement eu à souffrir de nombreuses moqueries, comme le vivront plus tard les Italiens ou d’autres immigrés) et la dernière phrase « détruire toutes les raisons justifiées de haine et de discorde ». Avec le temps, c’est devenu fédéralisme, confédéralisme, séparatisme ou, plus simplement, arrêt des transferts Nord-Sud.
La mise sur pied réelle de tout ceci se fera en 1921 par le vote de la loi imposant l’unilinguisme en Flandre, loi obtenue, comme beaucoup d’autres, par un vote flamand majoritaire contre Wallons minoritaires.
À partir de ce moment-là, il y a une vraie rupture, celle d’un pacte national, antidémocratique certainement, et loin de représenter toute la nation, mais c’était un vote en bonne et due forme, voulu par les représentants de 1830. Même certaines lois du code Napoléon (pourtant un dictateur) perdurent toujours aujourd’hui. Et puis, surtout, cette loi fondamentale de l’apprentissage du français avait été imposée au peuple de Flandre, c’est vrai, mais aussi à celui de Wallonie, nous l’avons vu. Et quelle que soit la légitimité du combat flamand depuis des décennies, ils ont rompu à ce moment, et sans arrêt par la suite, une sorte de contrat national qui portait sur une langue commune qu’ils ne possédaient pas, c’est vrai, mais que ne possédaient pas plus les gens du peuple wallon ou les ouvriers de Bruxelles. Les Wallons avaient joué le jeu, les Flamands ne l’ont pas joué et quand ils en ont eu assez, ils ont changé les règles du jeu. Après, ce ne sera plus qu’une suite d’humiliations pour les francophones.