Le singe de la Grand-Place de Mons

Le singe de la Grand-Place de Mons

Il existe une polémique autour de l’origine et de la signification du petit singe de la Grand-Place de Mons. Les Montois en ont fait leur fétiche et viennent parfois le caresser de la main gauche, comme le veut la tradition.

On fait le plus souvent de ce petit animal curieux, assis en se tenant le bas du dos, un de ces piloris où étaient exhibés les détenus coupables de délits honteux ou les femmes de mauvaise vie. Celui-ci aurait été réservé aux enfants. L’hypothèse est ingénieuse et amusante. Il aurait cependant fallu que l’on trouve trace d’un tel appareil dans les archives locales, ou tout au moins d’un pilori semblable ailleurs. Ce n’est hélas pas le cas.

Ceux qui n’étaient pas satisfaits de l’interprétation voulurent y voir le chef-d’œuvre de maîtrise d’un batteur de fer. D’autres avancèrent que l’animal accroupi avait servi d’enseigne à une boutique ou renseigné l’entrée d’un cabaret. Cependant, personne ne pensa à aller interroger le vrai spécialiste de la question, à savoir le symboliste. Celui-là était pourtant bien le seul à pouvoir être frappé par le geste particulier du singe. En effet, quand celui-ci se tient le dos d’une main, il est le très particulier emblème de saint Germain, évêque d’Auxerre.

La raison de cette singulière attribution repose sur un jeu de mots dont on trouve déjà une mention vers 1270, avec le sceau de Gui de Munois, prieur de la célèbre abbaye bourguignonne. Le singe accroupi, qui se gratte à l’endroit prévu, entre les étoiles, est un rébus comme on aimait à en construire au Moyen Âge. Il signifie :

SINGE – AIR – MAIN – DOS – SERRE

Ou, comme vous l’avez deviné :

SAINT GERMAIN D’AUXERRE

La place de Mons au début du 19e siècle

Que peut donc bien faire cet Auxerrois à Mons ? L’explication est simple : il fut le patron de la ville jusqu’à ce que Waudru vienne le détrôner au seizième siècle.

La capitale du Hainaut n’était d’ailleurs pas la seule dans le cas puisque Huy possède aussi une paroisse Saint-Germain. Le singe à la main dans le dos y soutenait, au fameux porche du Bethléem, la statue du saint évêque en question.

S’il est logique que les Montois invoquent leur saint patron en caressant l’occiput de son compagnon, il l’est tout autant que notre singe à la main dans le dos possède ici la même valeur qu’à Auxerre ou à Huy.

Dans l’iconographie des cathédrales, le singe représente celui qui, imitant son maître, demeure incapable de lui ressembler. Il incarne donc le profane qui voudrait accéder à la connaissance sans passer par la voie de l’initiation et ne peut donc être qu’un apprenti-sorcier.

À Auxerre, la bête tourne le dos au chemin de pèlerinage vers Rome qui débute là. De la même manière et avec le même sens, la statue de l’âne qui vielle s’appuie l’échine contre la cathédrale de Chartres. Le savoir des cathédrales ou celui du pèlerin n’est pas à la portée du profane : ces choses sont réservées au seul initié. Or, dans sa muraille montoise, le singe de la Grand-Place était dos au mur d’une chapelle qui, dans le domaine de l’ésotérisme, a eu son importance. Ce sanctuaire dédié à saint Georges avait été celui du comte Guillaume IV de Hainaut pour qui Jean van Eyck peignit son célèbre Agneau Mystique.

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