Yvonne Vieslet « L’enfant Martyr ! »

Yvonne Vieslet « L’enfant Martyr ! »

Un grand nombre d’endroits portant le nom de place des Fusillés, avenue des Martyrs, etc., témoignent encore aujourd’hui de ces actes barbares. L’exemple le plus célèbre à l’époque, et qui vaut pour tous les autres, est celui de la petite Yvonne Vieslet, héroïne malgré elle.

Nous sommes le samedi 12 octobre 1918. L’occupation allemande avait tenu, durant quatre ans, le village de Monceau-sur-Sambre dans une ambiance mariant l’ennui et la férocité. La petite fille a dix ans. Son père travaille dans une usine de Marchiennes, sa mère est mère au foyer. Ce jour-là, Yvonne, à la sortie de l’école, court pour saluer des prisonniers français installés dans la cour du Cercle Saint Édouard à Marchienne-au-Pont, non loin de chez elle. Curiosité toute naturelle pour une enfant de cet âge !

Yvonne se retrouve sur le trottoir, en compagnie d’autres enfants et d’adultes, devant un des bâtiments réservés aux prisonniers. Arrivée le long des barbelés, elle y découvre une poignée de prisonniers français maigres, déguenillés. Prise de pitié, imitant certains adultes qui tentent de leur donner du pain, Yvonne essaie à trois reprises de leur tendre sa couque, avant d’y parvenir.

Une sentinelle allemande en poste tire un coup de feu en di- rection du groupe. Pour certains témoins du drame, la sentinelle n’a ni visé ni même épaulé, elle a réagi dans la cohue du moment. La tension et l’énervement des Allemands sont à leur comble. En effet, ils perdent de leur superbe et seront bientôt battus. Le projectile blesse la petite fille avant de toucher trois autres personnes situées derrière elle. Après plusieurs heures de souffrance, Yvonne meurt à l’hôpital de Marchiennes où elle a été conduite.

Une autre version, fruit des recherches d’un historien local et basée sur des témoignages, rapporte qu’une certaine tension régnait en effet entre les sentinelles et des gens du coin devant l’endroit où étaient parqués les prisonniers. Une personne aurait effectivement lancé une miche de pain et certains passants auraient bien invectivé les Allemands. Pour tenter de calmer la foule, le soldat allemand a mis baïonnette au canon; la foule ne se calmant toujours pas, il aurait tiré un coup à l’aveugle en direction de la rue. La balle a alors atteint Yvonne. Selon les témoins de cette version, jamais Yvonne n’a donné sa couque aux prisonniers français. Le soldat allemand, auteur du geste, aurait demandé à son frère, à sa mort, de retourner sur les lieux pour s’excuser de son geste auprès des Vieslet.

Par contre un soldat du 12e R. I est revenu, chaque année, sur la tombe de la petite fille. Il a aussi offert à la Mère Supérieure responsable de l’hôpital civil du Sacré-Cœur et des Écoles chrétiennes de Marchienne-au-Pont une bouteille d’eau de Lourdes, pour lui un témoignage d’une gratitude éternelle à Yvonne Vieslet.

Puis, en 1936, c’est l’absence. Le mystérieux poilu est-il décédé ? C’est dans le carnet de ce poilu anonyme du 12e R. I, établi à la caserne Reffye, que l’on a retrouvé des éléments de cet épisode tragique. On peut logiquement déduire que ce combattant a été capturé, dès le 8 octobre 1918, date d’arrivée du régiment sur le front de Saint-Quentin. Emmené à Charleroi, le 9 ou 10 octobre, il est acheminé vers un camp de captivité à Darmstadt – Hesse – d’où il sera libéré, le 13 novembre 1918.

Que l’on soit partisan de l’une ou de l’autre version Yvonne n’en deviendra pas moins cependant une héroïne, le symbole de la barbarie allemande à l’encontre de la population belge. Elle sera aussi celle qui sera morte pour avoir eu le cœur gros en voyant des gens mourir de faim.

Le 16 octobre 1918, Yvonne Vieslet est inhumée dans le cimetière de Monceau-sur-Sambre dans une simple tombe. À la fin de la guerre, son corps sera transféré à l’entrée du Carré d’Honneur où reposent les anciens combattants ; une sculpture sur sa tombe commémore son action.

Une plaque commémorative est apposée à l’entrée de son école un an jour pour jour après le drame. Un monument est érigé à Marchienne devant le Cercle Saint Édouard; il est inauguré par la Princesse Marie-José le 1er juillet 1928. Ce même jour, la Princesse dépose une décoration sur sa tombe. Mis au courant du drame de Marchienne-au-Pont, le gouvernement français et le Président Poincaré décerneront, à titre posthume, le 11 septembre 1919, la médaille d’honneur de la Reconnaissance française à la petite héroïne. Des photographies de la victime ont été vendues à des milliers d’exemplaires.

À Marchienne-au-Pont, une école de la rue des Remparts fut renommée Athénée Royal Yvonne Vieslet. Une crèche et une rue portent également son nom. Un film de 60 minutes relatant cet épisode tragique a été tour- né en 1937 sous le titre « La tragédie de Marchienne ». Une médaille a été frappée en son honneur.

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