L’histoire d’un peuple qui fut le premier du monde

L’histoire d’un peuple qui fut le premier du monde

La révolution industrielle est née en Angleterre, mais gagne très rapidement le continent et particulièrement notre pays. Tout ce que les Anglais ont mis au point trouve un terreau propice à l’éclosion chez nous et nous allons aller bien plus loin encore. En effet la bourgeoisie souhaite ces changements et investit, les ouvriers sont habiles et les ressources naturelles comme le charbon sont présentes sur le territoire.

Pendant des dizaines d’années, les Belges produisent et innovent sans cesse. On équipe nos charbonnages de « pompes à feu », c’est-à-dire de machines à vapeur actionnant les pompes d’exhaure, un autre mot pour dire qu’elles servent à vider l’eau des galeries des mines. Dès 1721, il y en a une à Tilleur, près de Liège puis, en 1731 à Vedrin pour le duc d’Arenberg et en 1735 à Lodelinsart. Si elles sont d’abord anglaises, les Wallons vont très vite apprendre à les construire et à les installer.

En 1798, William Cockerill, un mécanicien anglais, propose aux drapiers Verviétois les premières machines à filer la laine. En 1807, il s’installe à Liège avec sa famille. En 1817, son fils John achète l’ancienne résidence d’été des princes-évêques de Liège, alors point de départ d’une expansion mondiale basée sur la construction métallique. De 1817 à 1830, pas moins de quatre-vingt-trois machines à vapeur sont produites par ses ateliers pour l’Europe entière. D’autres constructeurs de machines à vapeur wallons vont voir le jour un peu partout : l’essor des chemins de fer et la marine fournissent un immense marché. En 1823, on construit pour John Cockerill le premier haut-fourneau au coke. D’autres suivent. Le puddlage permet la fabrication de fer en grande quantité, aux caractéristiques supérieures à celles de la fonte, qui sera remplacée uniquement par l’acier.

Dès 1850, Liège est le premier centre sidérurgique européen. La Wallonie regorge d’entreprises importantes, comme la S.A. des Hauts-Fourneaux, usines et charbonnages de Marcinelle et de Couillet (1835) et la S.A. des Laminoirs, Hauts-Fourneaux, Forges, Fonderies et Usines de la Providence (1838). La métallurgie thermique du zinc, elle, est une innovation typiquement liégeoise. On met au point un procédé pour extraire le zinc de la calamine en empêchant sa volatilisation et son oxydation. La célèbre société de la Vieille-Montagne allait innover sans arrêt et se développer dans le monde entier : zinc-bâtiment, zinc d’art, coulé et patiné, et surtout le blanc de zinc qui va, en peinture, détrôner la céruse toxique.

Cockerill, quant à lui, fait figure de modèle d’entreprise intégrée, puisqu’il extrait minerais et charbons, fabrique la fonte et l’affine en fer, coule les pièces de fonderie, forge, lamine, usine le métal, et construit les machines. Tout se fait en interne et s’exporte dans le monde entier. Le verre et la céramique connaissent des progrès parallèles. Dès le XVIIe siècle, on fabrique à Liège des verres transparents « à la façon de Venise ». Les verreries vont se développer à proximité des houillères qui leur fournissent un combustible bon marché. C’est le cas, en Hainaut, à Jumet et à Lodelinsart, au Val Saint-Lambert, près de Liège ou encore à Venêche, près de Namur. Ces verres, et surtout le cristal du Val Saint-Lambert, vont avoir une renommée mondiale, qu’ils conservent encore aujourd’hui.

En 1751, une manufacture de porcelaine est créée à Tournai. En 1767, Jean-François Dominique et Pierre-Joseph Boch ouvrent une faïencerie à Septfontaines, près de Luxembourg. En 1841, Victor et Eugène Boch fondent la manufacture Keramis à Saint-Vaast (La Louvière). Elle aussi exportera partout sur la planète.

Le 15 avril 1861, Ernest Solvay, directeur adjoint de l’usine à gaz de Saint-Josse-Ten-Noode, dépose un brevet pour la fabrication industrielle du carbonate de soude au moyen de sel marin, d’ammoniaque et d’acide carbonique. Le 17 juillet 1871, un menuisier de Jehay- Bodegnée, Zénobe Gramme, présente à l’Académie des Sciences de Paris la première dynamo à courant continu. En 1860, un mécanicien de Mussy-la-Ville, Étienne Lenoir, invente le moteur à gaz. Ce sont donc des Belges qui font entrer l’Europe dans la modernité, dans un nouveau monde mené par l’acier, l’électricité, la chimie et le moteur à explosion.

Des hommes comme eux sont nombreux à cette époque chez nous. Qui sont-ils ? Comment sont-ils ? Ils sont d’abord habiles de leurs mains, rapides à assimiler et à exploiter l’information. Un exemple peu connu ? L’électricien Joseph Jaspar qui sait tout faire de ses mains. Comme on dit : « il sciait avec une hache et hachait avec une scie. » Il apprend le métier de bijoutier, fabrique des hausses de fusil pour l’armée et invente un modèle de lampe à arc qui éclairera l’Opéra de Paris. En 1878, il rencontre Gramme à l’Exposition internationale de Paris et se lance dans la fabrication de dynamos. Il construit des machines-outils, des moteurs à gaz, des ascenseurs électriques et des escaliers roulants qui feront sa renommée. Autour de sa maison, ses ateliers envahissent peu à peu tout le quartier.

Autres mécaniciens, les Pieper qui signent avec Édison un contrat pour des lampes à arc. Ils éclaireront l’Arc de Triomphe pour les funérailles de Victor Hugo. Le développement va en s’accélérant toujours et, en 1913, la Belgique a 2 900 fours à coke…

Charbon, métallurgie, mécanique, électricité, céramique, chimie, telles sont les lignes de force de la technologie wallonne jusqu’aux années soixante. La région exporte à travers le monde ses produits traditionnels : charpentes métalliques, matériel de chemin de fer : des rails aux locomotives, armes lourdes et légères, constructions maritimes, tubulaires pour l’eau et le gaz, pneus, autos, bicyclettes, constructions électriques, produits verriers… L’énumération des innovations est sans fin ! Dans chaque domaine, les expositions industrielles sont les vitrines du progrès. Parmi elles, Liège 1905, Charleroi 1911, Liège 1930 et Liège 1939 interrompue par la guerre. Nos ingénieurs travaillent dans le monde entier.

L’Exposition universelle de 1958 marquera le sommet de cette courbe ascendante de l’avancée technologique belge. À cette époque, on ne sait pas encore que le déclin guette…

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