Les Anversois premiers au tableau d’horreur

Les Anversois premiers au tableau d'horreur

L’administration anversoise commit sans doute le plus grand crime de guerre perpétré par des Belges.

Sa police aida les Allemands à accomplir leurs rafles alors qu’aucune menace ne pesait sur eux et que les occupants acceptaient assez facilement les refus des fonctionnaires belges qui leur opposaient que ce que l’on exigeait d’eux était en contradiction avec la convention de La Haye ou une de nos lois. Cela d’autant plus que dans une note du 24 juillet 1941, le chef des troupes d’occupation chez nous, le général von Falkenhausen, avait reconnu formellement le droit aux forces de l’ordre belges de refuser de participer à des arrestations.

Les autorités administratives anversoises sont allées bien plus loin dans leur collaboration en parvenant à recenser au moins 65 % des juifs de la ville alors qu’à Bruxelles, Liège et Charleroi, ce chiffre tournait aux alentours des 35 %. Pour certains, l’antisémitisme était bien plus fort à Anvers qu’ailleurs, aidé en cela par la réussite jalousée de quelques personnes et par la presse catholique anversoise des années 1930.

À tel point qu’à Anvers, un prêtre catholique sur huit a porté secours à des Juifs contre un sur deux à Bruxelles.

Continuons sur l’exemple de Bruxelles, où le bourgmestre Jules Coelst, qui s’était déjà opposé aux Allemands en ce qui concernait le port obligatoire de l’étoile juive en refusant de faire appliquer l’ordonnance, refusera également de mêler sa police aux rafles en prenant comme prétexte le manque d’effectifs.

La libération venue, il y aura quand même une enquête où le bourgmestre d’Anvers sera interrogé, par… un ami de son parti. De ses agissements durant la guerre, il dira que les arrestations d’une partie de la population juive de sa ville n’étaient que des « incidents ne concernant que quelques Israélites ». Le Pen, quelques décennies plus tard, parlera de « détails de l’Histoire » et sera condamné.

Ordonnance du 28 octobre 1940

Le bourgmestre d’Anvers ne le fut pas, non pas qu’il ait été acquitté, ou que l’action se soit éteinte par son décès, non. Il n’a pas été condamné, ni pour avoir parlé de la déportation comme d’un « incident » ni pour la participation de son administration dans les rafles des Juifs. Pour la simple et bonne raison qu’il n’y eut jamais de procès !

Sa seule sanction fut de ne pas pouvoir se présenter aux élections municipales de novembre 1944, car il avait quand même été déchu, mais temporairement, de ses droits civiques… c’est donc sa femme qui figura, à sa place, sur la liste du parti démocrate-chrétien.

Elle fit un très bon score, ce que beaucoup interprétèrent comme une preuve que la population anversoise n’était pas partisane d’une condamnation de son époux et approuvait ce qu’il avait fait pendant la guerre.

Quelques semaines plus tard, l’instruction à son encontre était classée sans suite et notre bourgmestre reprit sa carrière politique…

La plupart des Juifs ont cru que si le bourgmestre n’avait pas été condamné, ce n’était pas parce qu’il n’avait pas été jugé mais parce qu’il était innocent et que les arrestations avaient été faites sous les ordres et la contrainte des Allemands.

On n’en reparla que lorsque ce personnage fut nommé à la présidence de l’Association d’amitié… Anvers-Haifa !

Le Commissaire, principale courroie de transmission qui donnait aux hommes, de manière effective, l’ordre de participer aux rafles ne fut pas plus inquiété que le bourgmestre. Il a terminé paisiblement jusqu’à sa retraite au poste qui avait toujours été le sien.

Le procureur ne fut pas non plus poursuivi alors que, en novembre 1942, il avait signé une lettre qui défendait à la police de participer avec les Allemands aux arrestations de citoyens belges. S’il avait fait cette injonction quelques mois plus tôt, des centaines de juifs auraient échappé à la déportation et à la mort.

Affiche devant être apposée sur la façade des entreprises juives en Belgique

En résumé, des milliers de juifs de la Métropole sont morts mais sans qu’aucun Belge n’ait eu à en assumer la moindre responsabilité. Officiellement tout est le fait des Allemands qui pourtant, seuls, auraient été bien incapables de mener cette tâche à bien.

En 2007, le bourgmestre d’Anvers, Patrick Janssens, s’est excusé au nom du collège communal pour l’implication de l’administration communale dans la déportation des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Pour Bart De Wever, ces excuses étaient « gratuites et n’avaient pour objectif que de combattre le Vlaams Belang ». C’est quoi, une excuse gratuite ? Peut-être voulait-il qu’on indemnise très fortement les familles qui vécurent ce martyr ?

En 2005 déjà, le bourgmestre de Molenbeek Philippe Moureaux faisait le premier un geste historique en présentant ses excuses à la communauté juive pour la complicité des autorités belges, du collège des bourgmestre et échevins et celle du personnel communal dans la répression antisémite et la déportation des juifs de Belgique vers les camps de concentration et d’extermination. C’était la première fois qu’un homme politique de l’importance de Philippe Moureaux reconnaissait officiellement la responsabilité de fonctionnaires belges dans l’aide apportée aux nazis dans leur chasse aux juifs. Pour renforcer ses dires, Philippe Moureaux a montré à tous deux des anciens documents officiels. Le premier ordonnait à tous les Juifs de se faire identifier dans la commune. Le fichier de cette commune, comme ceux des autres communes belges, fut remis ensuite à la Gestapo, ce qui allait permettre aux Allemands de mettre facilement sur pied leurs rafles. Le second ordonnait le port de l’étoile jaune et le marquage de leurs cartes d’identités de leur origine ethnique.

Philippe Moureaux (photo de Filip Naudts)
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