Léon Trulin « L’adolescent chargé de gloire »

Léon Trulin « L'adolescent chargé de gloire »

Juin 1915. À l’avant du navire se balançant doucement sur les vagues, un jeune homme, Léon Trulin. À peine sorti de l’adolescence, il vient d’avoir dix-huit ans, mais déjà un caractère bien trempé. S’il a quitté la Belgique pour se rendre en Angleterre, c’est pour s’engager comme volontaire dans l’armée belge qui s’est réfugiée de l’autre côté de la Manche.

1914. Les hordes allemandes déferlent sur la France et la Belgique. Léon, fourmi dans la fourmilière des opposants à l’impérialisme brutal d’outre-Rhin. D’où son départ pour l’Angleterre où, comme lui, bon nombre de nos compatriotes  trouveront refuge.

Là, déconvenue : il est jugé physiquement trop fragile. Mais il veut être utile et parvient à convaincre un officier anglais de sa capacité à leur envoyer des informations au départ des ter- ritoires occupés. Les alliés n’ont encore personne à Lille alors que cette ville est au centre du dispositif allemand sur le front occidental. Léon sera donc chargé de mettre en place un ser- vice d’observation dans la capitale des Flandres. 

De retour dans la capitale nordiste, Léon, sans aucun soutien, crée le réseau Noël Lurtin, l’anagramme de ses nom et prénom. Son caractère enjoué, la sympathie qui émane de sa personne lui permettent de demander de l’aide autour de lui.

Il regroupe autour de lui sa bande de copains, tous adolescents, presque des enfants encore: Marcel Gotti a 15 ans, Marcel Lemaire et Marcel Denèque à peine 17. Les aînés – Raymond Derain, André Herman, Lucien Dewalf en ont tout juste 18, comme leur chef.

Le réseau fonctionne et les informations parviennent à Londres. Là, étonné par ses performances, le chef des services de renseignements anglais confie à Trulin une mission de plus grande envergure qui consiste à créer des postes d’observation destinés à espionner les convois de trains dans les régions de Deinze, Courtrai, Ingelmunster, Mouscron et Tourcoing.

Léon se lance également avec brio dans sa nouvelle mission quand, un jour, un de ses compagnons qui s’est approché trop près d’une batterie d’artillerie allemande est arrêté. Léon et son ami Derain pensent qu’ils risquent fortement d’être arrêtés également et le 3 octobre, ils décident de fuir en Angleterre en passant par la Hollande. Arrivés à la frontière des Pays-Bas, ils essaient de passer sous les barrières électriques en creusant un tunnel. Surpris en plein travail par une patrouille allemande, Léon jette son portefeuille avec les papiers dangereux qu’il contient en territoire hollandais, mais les gardes-frontière allemands le récupèrent et arrêtent les deux comparses. Ils sont immédiatement incarcérés à la prison des Béguines à Anvers du 4 au 12 octobre 1915. Le soir du 12 octobre, il est transféré à la Citadelle de Lille où il retrouve les autres membres de son réseau.

Le 5 novembre 1915, ils sont traduits devant le Tribunal mili- taire allemand de Lille. Un simulacre de procès les condamne tous à de lourdes peines. Léon, en tant que chef du réseau, écope de la plus dure de toutes, la condamnation à mort. Une sentence qui sera entérinée par la plus haute instance lilloise, le général von Heinrich.

L’exécution de Léon eut lieu à l’aube du 8 novembre 1915 dans le fossé nord de la citadelle de Lille. En mourant dans sa dix-huitième année, Léon Trulin donna à la Belgique le plus jeune espion allié fusillé pendant la Première Guerre. L’écho de la fusillade ne s’était pas encore dissipé que déjà se posait la question de savoir si Léon et son réseau étaient tom- bés par hasard ou s’ils avaient été victimes d’une dénonciation ?

Un garçon pose problème, un certain Marcel Denèque, dont le rôle dans le réseau est mal défini. On ne sait pas bien s’il en faisait vraiment partie ou s’il n’y était venu que de manière épi- sodique. Léon, dans sa dernière lettre à sa mère, écrit « (…) je vous demande de pardonner à D… ce qu’il a fait, je lui ai pardonné, c’est la parole d’un condamné qui vous le réclame…» Denèque sera sauvé du peloton allemand et lavé de justesse de l’accusation de trahison des membres du réseau par la justice française.

Dans le souvenir que la ville de Lille garde de ses «résistants» de la Première Guerre mondiale, Léon Trulin tient une place toute particulière. Un monument sur les lieux mêmes de sa mort est érigé dans les fossés de la Citadelle. Square Daubenton, le monument aux Fusillés Lillois le représente gi- sant aux côtés des membres d’un autre réseau, le réseau Jacquet. Une statue lui sera également élevée en 1934, avenue du Peuple Belge avant d’être déplacée dans la rue qui porte depuis lors son nom. Sur le socle de celle-ci est repris un autre extrait de sa dernière lettre à sa mère : « Je pardonne à tout le monde, amis et ennemis. Je fais grâce parce qu’on ne me la fait pas. »

 

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