La Belgique résistante

La Belgique résistante

Ingénieux résistants dans les gares
Dans la région liégeoise, comme ailleurs, des cheminots ou travailleurs requis aux chemins de fer s’ingénient à contrarier la responsabilité des occupants. Ainsi, à la gare de Kinkempois, les forçats obligés de dégager les voies touchées par les bombardements font-ils retarder l’exécution des travaux en se présentant sans l’outillage nécessaire, en éternisant les palabres avant d’en trouver et, quand ils en sont fournis, reviennent le lendemain en prétendant l’avoir oublié… À la gare de Chênée, des ouvriers changent les marques sur les rails à poser, afin de les scier trop court… La résistance compte sur un cheminot pour lui communiquer le calibre des pièces d’artillerie transitant par Chênée pour être acheminées vers le mur de l’Atlantique. Un jour, sous les yeux des Allemands, il ose faire arrêter un train sous prétexte de service, plonge la tête dans le tube d’un canon et en retire une superbe couronne de graisse. Les Allemands, hilares, l’inondent de quolibets, mais c’est surtout lui qui s’était bien moqué d’eux : quel bon truc, en effet, pour calculer le diamètre d’une bouche de pièce d’artillerie !

Le mot de trop
Le 18 avril 1943, au Théâtre communal de Binche, M. Jules Flament, représentant de l’Association des Ecrivains dialectaux, met à l’honneur René Légraux pour la sortie de son livre T’Avau Binche : au cours d’une soirée culturelle, il fait publiquement l’éloge de son ouvrage. Dans la salle comble se trouvaient des militaires allemands. Lorsque l’écrivain eut répondu, en regrettant que plus personne n’écrive en patois binchois, il conclut intrépidement : Et audjord’hui, d’jaime la France dè Charles de Gaulle ! Le public l’acclame, mais ces paroles lui valurent d’être peu après déporté dans un camp de concentration en Allemagne, dont il n’est jamais revenu.

La vie en noir-jaune-rouge
Un écolier qui avait arboré un jour une cocarde aux couleurs belges fut jeté en cellule par les Allemands et condamné à trois jours de prison et 50 marks d’amende.

Un instituteur belge, qui avait commis le crime de « porter ostensiblement » – ce sont les termes du jugement – une cravate aux couleurs nationales belges, fut puni d’une semaine de prison et de 1 000 marks d’amende. La cocarde et la cravate étaient jointes au dossier, comme pièces à conviction, dans une enveloppe spéciale.

Faux Soir

Le 18 mai 1940, pour la deuxième fois de son histoire, la publication du journal Le Soir est suspendue pour cause de guerre. En réaction, l’occupant nazi, avec l’aide de certains journalistes collaborateurs, décide de lancer son propre journal en utilisant le même nom ; mais il est appelé Le Soir Volé par la population. Hergé y a publié des histoires de Tintin, qui connaissent un énorme succès.

Le 9 novembre 1943, les lecteurs du journal constatent, avec joie et étonnement, que l’édition de 17 heures, à la typographie et au format habituels, est un canular, une satire des journalistes de ce quotidien et de leurs chefs nazis. Ce « faux Soir » réussit à être diffusé en dépit du contrôle de l’occupant. On peut notamment y lire ces inepties :

« Dans le cadre gigantesque d’une défense élastique colossale, toutes les villes situées sur la voie ferrée Léningrad-Berditchev ont été évacuées nuitamment et sur la pointe des pieds. Non seulement toutes ces localités ont été méthodiquement pillées pour leur enlever toute utilité militaire, mais un certain nombre d’entre elles ont été transportées en Poméranie sans que l’ennemi ou que les habitants eux-mêmes aient eu le temps de s’en apercevoir…

Dans la nuit du 8 au 9 novembre, un avion de combat allemand du type Représailles a réussi à apercevoir les côtes de l’Angleterre… »

Tandis que les milieux collaborationnistes fulminent, Bruxelles ne parle plus que de ce beau coup. L’enquête a démontré que la véritable édition avait été retardée par de jeunes résistants du « Front de l’indépendance » pour permettre la diffusion de l’édition pirate. Les auteurs furent arrêtés, torturés, déportés et exécutés.

Drôles d’animaux sauvages !
Lors de la libération de la ville d’Anvers, le 3 septembre 1944 aprèsmidi, les Britanniques utilisèrent un endroit cocasse pour emprisonner près de 6 000 soldats allemands capturés : les cages vides du zoo, où plusieurs organisations de résistance avaient eu leur quartier général ! Plus tard, les Allemands accuseront les Anglais d’avoir ainsi violé les conventions de Genève. Les résistants réservèrent le même sort aux suspects de collaboration.

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