De l’intérêt du cours d’Histoire… et de se tenir informé

De l'intérêt du cours d'Histoire... et de se tenir informé

Rapidement, Léopold ne s’est pas fait d’illusion sur les capacités de ses hommes à repousser l’ennemi. De plus, il sait que l’armée française va mal et il pense qu’elle sera bientôt battue elle aussi. Une victoire anglaise est peut-être possible mais à très long terme.

Il ne peut, selon lui, ni continuer à lutter, sous peine de se faire totalement anéantir, ni quitter le pays que ce soit pour l’Angleterre, ou le Congo. Il lui faut donc essayer d’éviter le pire, épargner le sang des Belges et aussi peut-être un peu son trône. Il décide donc d’arrêter la lutte et de rester avec son armée en Belgique.

Pour certains, fonctionner dans une Europe dominée par l’Allemagne lui passe certainement par l’esprit. Pour Léopold, Hitler est certainement un chef d’État comme un autre. Sans être nazi, ce qui est à l’opposé de ses valeurs chrétiennes, Léopold développe sans doute une forme d’admiration pour l’efficacité « made in Deutschland » par rapport au foutoir du camp allié. Il faut dire que les informations qu’il a sur le führer étaient tronquées et imparfaites. Elle venait notamment du leader socialiste De Man qui, lui, admirait cette nouvelle Allemagne.

Autre erreur due elle à une méconnaissance de l’Histoire, Léopold III, qui en tout veut agir comme son père en 1914, est persuadé que celui-ci n’a jamais voulu se replier en France et quitter le sol national. Cela alors que l’on sait à l’époque qu’en octobre 14, Albert avait admis le fait de replier provisoirement son armée, épuisée dans la région de Calais, pour y reprendre des forces et s’y renforcer. Ce ne fut qu’ à la demande expresse de Joffre et de de Broqueville, que le Roi finit par changer ses plans et accepta de s’arrêter sur l’Yser pour y résister à outrance. Mais le problème c’est que cette Histoire, personne ne la connaît : tout le monde est persuadé du fait qu’Albert n’a jamais considéré pouvoir quitter la Belgique.

Albert 1er inspectant ses troupes

Ils ne peuvent donc rétorquer au Roi qu’il se trompe et que son père avait admis de se replier avec son armée en France.

Pas de repli en France, pas de départ à l’étranger, la rupture devient petit à petit inéluctable entre le gouvernement et Léopold qui sera traîné dans la boue par le monde entier.

Le 28 mai au matin a lieu la prétendue « capitulation » de l’armée belge, ce qui est un terme faux. Mais comme d’habitude nous allons laisser dire et laisser faire.

Une bonne fois pour toutes, nous n’avons pas « capitulé », encore moins « en rase campagne » (ce qui pour les soldats est considéré comme déshonorant), mais nous avons signé un armistice, ce qui est fondamentalement différent. Voici d’ailleurs le texte de ce qui est signé par nos représentants :
« L’armée belge déposera les armes sans condition et se considérera dès lors comme prisonnière de guerre. Un «Waffenruhe », dit le texte allemand, ce qui se traduit par « Cessez le feu », a pris cours ce matin à 5 heures à la demande du Commandant belge. Les opérations allemandes contre les troupes britanniques et françaises n’en seront pas interrompues. Le territoire belge sera immédiatement occupé, tous les ports inclus. Aucun dommage nouveau ne sera apporté aux écluses, ni aux fortifications de la côte. »

Un protocole additionnel ajoute :
« 1. En témoignage de reddition honorable, les officiers de l’Armée belge conserveront leur arme.
2. Le château de Laeken est mis à la disposition de Sa Majesté le Roi pour y résider avec sa famille, sa suite militaire et ses serviteurs. »

Un Waffenruhe, comme nous l’avons vu un cessez-le-feu ou encore un armistice, est une suspension des combats négociée par les commandants en chef mais qui laisse subsister l’état de guerre.

Cet état prend fin soit par la conclusion d’un traité de paix, soit par la reprise des hostilités. Pourquoi avons-nous laissé parler les autres de capitulation sans protester, sans faire entendre notre voix et aussi pourquoi lisons-nous encore souvent ce terme ?

Comme toujours parce que d’autres, ici les Français, ont utilisé ce mot. Et en premier lieu Paul Reynaud, leur chef de gouvernement qui avait prononcé un discours radiodiffusé dans lequel il disait : « (…) Cette armée belge qui vient brusquement de capituler sans condition, en rase campagne, sur l’ordre de son Roi … » Pourquoi s’en prendre à nous de la sorte ? Pourquoi nous faire passer pour des gens infâmes, lâches et traîtres ? Tout simplement pour trouver des excuses à leur manquement et à leur propre déroute.

Paul Raynaud en 1940

Il fallait que quelqu’un porte le chapeau, autant que ce soit nous. Et pour nous, comme d’habitude, si les Français, qui plus est leur président, l’ont dit, c’est que c’est vrai ! Un peu comme pendant des années où, pour être reconnu à Bruxelles, il fallait qu’un journaliste français ait parlé de vous. Ce cessez-le-feu ou cet armistice, entré en vigueur le 28 mai 1940 et qui suspendait les hostilités, est en réalité annulé dans les faits le 31 octobre 1940, par notre gouvernement de Londres, gouvernement légal et constitué d’élus de la nation lorsqu’il décrète la mobilisation des classes de 1935 à 1941, cela dans le Moniteur du 22 novembre 1940.

Un autre mensonge aussi que nous avons laissé courir : nous nous serions rendus sans prendre l’avis des Alliés. Là aussi personne ne s’est élevé pour dire la vérité. Pour dire que les alliés étaient prévenus, que ce sont les Anglais qui nous ont laissé tomber en se repliant vers la côte et Dunkerque pour rentrer sur leur île sans nous prévenir pour certains. Pour d’autres, sans avoir la possibilité de le faire.

Le lieutenant général Nyssens déclara plus tard que s’il avait pu disposer d’un nombre suffisant d’officiers de liaison compétents, il en aurait affecté un ou deux à chaque unité britannique, et les « décrochages » sans prévenir le voisin ne se seraient pas produits. Nous n’avons pas crié non plus que nous avions aussi évacué nous-mêmes, dans des camions belges, les soldats français qui combattaient avec nous. En fait personne ne réagit immédiatement, quitte à mettre comme exigence dans les pourparlers de négociations de pouvoir avoir accès à un émetteur radio pour dire la vérité. De ce fait, ce sont les mensonges des autres qui se répandirent comme une traînée de poudre, relayés en cela par le discours de notre Premier ministre, Hubert Pierlot, qui va lui aussi appuyer la thèse française, alors qu’il aurait pu expliquer les choses comme elles s’étaient réellement passées et ce qui avait réellement été signé. Soit il le savait et il ne l’a pas fait, c’est un manque de courage, soit il ne le savait pas et c’est une erreur. Manque de courage ou erreur, tout cela va finir par coûter cher aux Belges réfugiés en France. Les Français qui au départ les avaient accueillis en alliés s’en prenaient à eux à la moindre occasion en les qualifiant, entre autres, de « traîtres ».

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