Abeilles

Le vol des Abeilles

En 1653, autour de l’église Saint-Brice, à Tournai, un ouvrier, prénommé Adrien et se nommant Quinquin, travaillait au dallage de l’une des cryptes. Il creusa une tranchée et, surprise, déterra la poignée d’une épée garnie d’or. Il continua à fouiller et mit successivement la main sur une tête de taureau et d’autres nombreux objets en or, dont beaucoup de petites abeilles. Une
des pièces de cette très importante découverte fit apparaître le nom de Childéric, roi des Francs, père de Clovis, mort à Tournai en 481. Et, bientôt, en poursuivant les travaux, on retrouva la tombe de Childéric.

Le trésor, lui, allait voyager d’Allemagne en France. Et, ainsi, une petite partie disparut sans que l’on sache ni comment ni où. Il fascina notamment Napoléon Ier qui, dit-on, s’inspira des abeilles pour l’emblème impérial.

En 1831, l’essentiel de la découverte ayant eu lieu près de deux siècles plus tôt existait toujours. Il avait été placé avec le plus grand soin à Paris, à la Bibliothèque royale, dans le Cabinet des médailles. Un lieu sûr. On pouvait en tout cas le penser jusqu’au 6 octobre de cette année-là, jour du constat du vol du trésor ! Le conservateur n’en crut évidemment pas ses yeux: il ne restait plus rien des biens de Childéric.

L’affaire remonta sans tarder au sommet de l’État, c’est-à-dire auprès de Louis-Philippe qui se montra atterré.

Le roi des Français réunit d’urgence une partie du gouvernement dirigé par Casimir Périer, Premier ministre et ministre de l’Intérieur.

Ouverte dans les plus brefs délais, l’enquête fut confiée au célèbre Vidocq, un ancien bandit, mis au prison, évadé et finalement reconverti dans le métier de détective avant de devenir un chef de la Sûreté, controversé, mais bigrement efficace. La force de Vidocq : il avait connu mieux que personne les milieux qu’il était désormais chargé de combattre. Dans le camp qu’il avait intégré, après l’avoir nargué, on le regardait souvent d’un œil méfiant. Et on n’hésita pas à lui mettre des bâtons dans les roues. À telle enseigne que, découragé et dégoûté, en 1827, Vidocq présenta sa démission et s’organisa une autre vie.

Rappelé pourtant par Casimir Périer, Vidocq ne perdit pas de temps. Rapidement, il se trouva sur la piste d’une belle vicomtesse, Delphine de Nays-Candau. Lorsqu’il parla d’elle au Premier ministre comme personne suspecte, Périer man- qua de s’étouffer car la vicomtesse était l’une des amies intimes de l’épouse de Louis-Philippe, la reine Marie-Amélie (pour la petite histoire, il s’agissait des parents de Louise-Marie, future épouse de Léopold Ier, roi des Belges). Mais la vicomtesse ne fréquentait pas que la Cour. Elle avait également un faible à l’égard des malfrats à qui elle faisait facilement tourner la tête.

L’enquêteur établit un lien entre elle et un certain Étienne Fossard, voleur professionnel, chef d’une bande connue des services que dirigeait Vidocq.

L’arrestation de la redoutable Delphine eut lieu juste avant son embarquement pour l’Angleterre. La coupable avoua. Trop tard néanmoins pour récupérer le fabuleux butin.

L’or avait été fondu. Les policiers ne récupérèrent que deux des abeilles sur les trois cents enterrées avec Childéric. Un essaim inestimable à jamais envolé…

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